Le visage de Jacques Stephen Alexis est célèbre chevauché par un haut-de-forme. C'est une photographie prise par Gérard Bloncourt qui a éternisé cette conjugaison entre la base et le sommet, le pic de la tête et son chapeau, une photographie prise l’année 45 avant que les deux amis ne soient à l'origine – avec d'autres ! – d'un coup de force insurrectionnel qui détrôna Élie Lescot, président la République haïtienne de 41 à 46, d’un magistère qu'il pratiquait dans la violence et la répression. À cet instant, Jacques Stephen Alexis n'est pas encore écrivain ou l’est-il dans une définition tout autre de celle qui clame “celui qui écrit des livres”, pour cette raison prosaïque qu'il n'en a écrit aucun. Il est, en revanche, docteur en médecine en devenir. Depuis cette même année qui a, de l’autre côté de l’Atlantique, atténué le claquement des armes mais les a laissées sourdre à bien des endroits, Sétif, par exemple, ou en Indonésie, terre natale d’une guerre de libération nationale qui sera longue de quatre ans ; depuis cette même année, Jacques Stephen Alexis, dans le sillage de Jacques Roumain, mentor au devant de tout, s'écrie contre tous les jougs.
En Haïti, l’occupation américaine ne cicatrise pas. Depuis 34, le pays a récupéré son indépendance sans parvenir à assécher la mainmise des États-Unis sur le désordre politique. Ça n'est qu'en 1948 que le contrôle douanier sera de nouveau souverain, qu'en 41 que la fiscalité sera restituée de plein droit à l’administration haïtienne. Le pouvoir d’Elie Lescot, amical avec l’occulte occupant, accable les résistances. L’hostilité diffuse s’amalgame chez de jeunes gens issus des classes plutôt aisées et relativement épargnées par les stigmates de la hiérarchisation raciale héritée des colonisations française et étasunienne. Séduite par les Avant-gardes françaises, le surréalisme en tête, sensible aux idéaux socialistes, cette jeunesse s'établit en revues, en manifestes, et trouve dans la voix d'un périodique, La Ruche, sa plus ajustée résonance. C'est ainsi que l'écriture débuta, qu'elle posa l’empreinte sur le sentiment incertain. Une raison se formulait, une raison paraphrasée dans le poème, dans une glose capiteuse d'espérer la terre changée et l’aurore prononcée. Le 7 décembre 1945, sur le papier gris encore odorifère, on pouvait lire, plâtré dans une colonne, un texte du pseudonyme Jacques la Colère, Lettres aux hommes vieux :
« Messieurs les Hommes vieux, nous les Hommes jeunes, nous sommes le doigt de fer qui marque vos destins, et nous entendons plus qu'un seul mot qui roule, qui s'enfle, qui gronde dans les poitrines carrées des prolétariats mondiaux, l’entendez-vous beugler ‘LIBERTÉ’ »
La Ruche à peine naissante, sa parution est interdite. Sa parution à peine interdite – au numéro 3 du 1er janvier 46 – les cœurs de sa rédaction se soulèvent et infusent chez les étudiants haïtiens la saveur d'injustice qu'il manquait au soulèvement. C'est que Depestre et Becker ont été enfermés pour leur irrévérence, que l'organisation d'une réunion publique avec André Breton à la fin décembre n’a guère séduit la présidence. Toutefois, l’autorité ne parvient à accabler personne. Alexis et Bloncourt, qui fuient la prison, organisent une manifestation sur le Champ de Mars. La police frappe, disperse. La libération de Becker et Depestre est décidée afin d’évider la grogne. Rien n'y fait. Le 7 janvier au matin, l’université de Port-au-Prince est bourgeonnante, émue par des files d’étudiants qui en refusent l'ouverture. Parmi eux, les écrivants de La Ruche grondent au diapason. Les partis rejoignent la mobilisation ; la grève est générale. Cinq jours plus tard, Élie Lescot s'enfuit. Le pouvoir vacant sera malheureusement monopolisé par les potentats militaires qui, par méfiance évidente contre les révolutionnaires, feront enfermer Alexis et certains de ses amis – Bloncourt passera par les barreaux – avant que le jeune médecin n'aille terminer ses classes à Paris. Ce fut le premier exil.
C'est en 1955 que parut Compère Général Soleil. Roman aux airs de réalisme social, il tranche avec l’armature ciselée du genre. Si la dimension première est initiatique – le récit est celui d'une prise de conscience de classe – l’intrication centrale et poétisée se trouve dans Haïti, et, plus encore, dans le sensoriel haïtien. La force qui démesure le réalisme proprement dit est celle des éléments, du fleuve Artibonite jusqu'à la flore plus rondelette, entre les calebassiers et le petit mil. Dans un lyrisme artificier, éperdu de couleurs chaudes entravées par les odeurs de la pauvreté, les masses populaires répliquent le tintamarre naturel au creux de l’élan révolutionnaire. Le peuple sera les inondations qui dévastent ses terres, le ciel qui répudie sa nuit, les saisons qui rechignent à être régulières. Situé au beau milieu de la présidence Vincent, à l’épilogue de l'occupation américaine qui n'en finit jamais, le roman s'attache à la figure du jeune Hilarius Hilarion, jeune ouvrier des faubourgs de Port-au-Prince, qui, condamné pour vol, fait la rencontre en prison de Pierre Roumel, chef du parti communiste. À l’envers des simplicités convenues, qui transforment généralement ces rencontres en épiphanie, le jeune homme ne connaît, à la suite de ses entretiens avec le prisonnier politique, qu'une inclination, un parement de curiosité aussi méfiant qu'intéressé. C'est la floraison de cet intérêt qu’Alexis dilue dans Haïti, ici paysage social et anatomique où se conjuguent les contes, les rites, les abus de pouvoir, les misères, les tempêtes, les marigots et le soleil inquiet. La scène initiale, le vol, annonce l’identification au roman social :
« L'objet noir était un portefeuille de cuir. Un portefeuille, objet inutile pour les gueux ! Il
était bourré de billets. Hilarion le serra dans sa main. C'était une pièce à conviction, une pièce justificatrice de son droit. Le droit de défendre son existence, le droit de rançonner les rançonneurs. En une seconde toute une philosophie sociale lui était née. Il croyait parfaitement comprendre ce qu'était leur morale. Les deux mondes contradictoires qui cohabitent face à face, le monde des malheureux, le monde des riches ; cela suffisait pour contourner la morale qu'il avait acceptée comme naturelle jusqu'alors… »
Or ce continent s'étend, tout le long du roman, vers un abouchement oblique avec la colonialité et le paysage :
« Vraiment, la terre d’Haïti, ce ne sont que des montagnes ; des montagnes bleues, des montagnes rouges, des montagnes vertes, des montagnes sans couleur. On traversait maintenant un petit plateau aride, désolé, calciné par le soleil. Il y avait encore peu de temps, la terre ne devait être ni riche ni grasse, mais le coton, tant bien que mal, poussait encore. Or, depuis que ces sacrés Américains nous ont délibérément amené le charançon mexicain, plus de gousses blanches à perte de vue, plus de fleurs jaunes d'or comme des papillons de juin, le coton ne rend pas. On dirait qu'une terrible fatalité, un véritable madichon s'acharne sur la terre. Plus de petits fruits rouges, plus de mil et de maïs jetant leur gaîté verte dans le paysage. Pourtant, il se rappelait bien, dans ce coin, il y avait de tout, des ignames, des bananes et même du riz. Les cochons hurlaient tout au long de la route, les veaux sautaient autour des vaches dans les pâturages. »
Voilà que ce qui éclate est la langue, que son rapport aux choses dépasse leur enveloppe pour les contorsionner, les relier, pour les faire abdiquer de la lourdeur qu'elles portent seules et les alléger en les rassemblant. L’isolement pataud que chaque objet charrie s’évapore dans le contact qu'il entretient désormais avec les autres, car le seul est lourd en ce qu'il est inerte et le relié aérien pour ce qu'il distingue. Et se soulève Haïti, Haïti sans exagération lyrique, poétisé en alambic, entrelacé des vigueurs de son pollen et de la pauvreté vécue sur les mains laborieuses :
« Ces mains n'étaient plus des choses de chair, mais de larges battoirs de corne et d'os. Jaillies des poignets, parcourues de veines, ces mains de travailleur sont des outils, sans cesse déformés, alourdis, épaissis. Quand ils n'avaient plus ces mains, ou qu'elles ne fonctionnaient plus, la vie n'était plus vivable. Ces paumes avaient pourtant été de tendres plages ondulées de creux et de dunes, parcourues de sillons capricieux, du temps de l’adolescence impatiente. Maintenant, un cal dur s'étend sur la colline d'où naît le pouce, des croûtes sur la plaine centrale bordée d’infâmes durillons. Ces doigts, carrés, tordus en crochets, aplatis ou courbés n'ont plus de forme ni de couleur. Dans certaines mains de travailleur parfois se dresse, accusateur, un index privé d'une phalange, un annulaire à jamais raidi, un pouce sans ongle. »
La littérature haïtienne est dessinée par l’intermédiaire entre la contingence naturelle et l’action humaine. Cette transposition est célébrée dans le classique Gouverneurs de la rosée écrit par Jacques Roumain, où l’univers arboricole fusionne presque avec l’opéra social, comme dans la poésie de René Depestre, traversée par ce concubinage malgré une diversité qui lui est irréductible.
Ce premier roman ouvrait l’œuvre propre en balisant le premier âge de la vie d’Alexis. Il était désormais père d'une jeune enfant, Florence, née en 51, venue de sa rencontre avec Florence Montès, mère éponyme, à un bal des jeunesses communistes parisiennes. Peu de temps après la naissance de sa fille, Alexis voyagea par le monde pour rejoindre Haïti en février 1955. Durant ces quelques mois, il s’empresse, à chaque port, de trouver une carte postale pour sa fille. De retour en Haïti, Alexis s'attable au même bois. Les journaux, les polémiques, la défense des mains érodées et des échines torves. Sa voix porte un communisme volontaire et la canonnade littéraire qui doit l’immerger. Parce qu’Alexis a le souci du Beau et du mouvement, il ne croit ni en l’art fonctionnel ni en la politique sans imaginaire. Les pages du manuscrit des Arbres Musiciens (1957) se noircissent sur le même bureau où Alexis répand ses critiques et ses articles. En septembre 1956, il devait retourner à Paris. Il y tint son fameux discours sur le réalisme merveilleux haïtien au Premier Congrès des Écrivains et Artistes Noirs, aux côtés de Fanon, Césaire et Senghor, entre autres. Paris le retint pour divorcer, pour sa fille, pour l'écriture et pour des affaires courantes que le mince filet biographique qui le concerne ne permet pas de connaître. Son retour en Haïti coïncida avec le chambardement des interrègnes et des secousses populaires entre décembre 56 et septembre 57. Du chaos naquit le chaos, et le 22 septembre de cette dernière année, François Duvalier s’empara de la suprême chaise puis fit de l’État une cinglante lame dictatoriale.
À l’orée de son départ de France, Alexis a laissé le manuscrit d'un chef-d'œuvre aux éditions Gallimard, L’espace d'un cillement, que la maison publie en 1959. En 1983, pour sa réédition, Florence Alexis en écrivit une préface en forme de réponse aux cartes postales, réponse qu'elle ne put adresser du vivant de son père :
« C'est ton enfant, ta fille aînée devenue femme, qui s'adresse à toi par-delà ton absence interminable. Nous sommes privés l'un de l’autre depuis plus de vingt ans et aujourd'hui, je veux te parler de ce livre que tu nous as laissé avant de retourner dans les étoiles, L’espace d'un cillement. Tu sais, c'est mon livre d'élection, celui qui le fait vibrer plus qu'aucun autre, par quoi tout se dénoue en moi et je vais m'efforcer avec mes pauvres mots de te dire pourquoi. »
Œuvre éclair, “écrite en quelques semaines”, elle s’attache elle aussi à Port-au-Prince, sur une courte semaine de six jours, où une prostituée, la Nina Estrellita, vit ses premières lueurs amoureuses avec un ouvrier syndiqué, El Caucho. Chaque jour de la semaine est un chapitre, chaque chapitre est un sens : La vue, l’odorat, l'ouïe, le goût, le toucher, le sixième, se succèdent à l’écriture. Écriture qui diverge des deux romans qui la précèdent tant elle s’accroche aux corps, à l'éclat des peaux, à la métamorphose qui travaille les physionomies selon les lumières auxquelles elles s'exposent, les bruits qui les martèlent, les sueurs qui les nappent, les heures qui les endurcissent. Il y a cette description du dos de la Nina :
« La tendresse court sur le dos de la Nina, tel un beau flot aux sources secrètes, avec un long frisson musard. C'est une tendresse câline qui anime le jeu fantasque de sa colonne vertébrale, une tendresse sans calcul, rivière sans estuaire, sans embouchure, sans but, un oued de tendresse inemployée que le désert des jours n'arrive pas à boire ni à tarir. La tendresse naît de la coquille creuse des reins, juste au-dessus de l’écharpe de soie crème, elle flue, monte, s'étale sur la partie inférieure de la cage thoracique, telle une folâtre respiration. La tendresse s'épuise, s'étire sur les omoplates, petites ailes qui s’ébauchent sous la peau, rayon de sombre miel, losangé par les mailles lâches du tricot rouge. »
Ces suspensions physiognomonistes alternent avec des descriptions dures et drues du travail au lupanar. Le lyrisme est au corps ce que la virulence est à son travail, à son exploitation par les marines américains qui l’usent comme une marchandise. Dès la première page :
« La Nina Estrellita perçoit son sexe comme une plaie vive… »
Le texte est, paradoxalement, plus narratif que les autres. L’action est proche des personnages et les descriptions serrées contre les yeux. De fait, contrairement à Compère Général Soleil, Haïti se contracte dans le quotidien des deux amants, dans cette semaine qui les détourne.
Néanmoins, leurs sens dévoilent et leurs souvenirs et leurs rêves, de sorte que la Nina peut se revoir enfant à Cuba en humant la fumée d'un cigare, ou qu’un baiser rappelle à El Caucho le souffle des alizés.
Le roman parut l’année de la création du Parti d’Entente Populaire, qu’Alexis avait pensé comme force d'opposition émeutière et clandestine à Duvalier, ce que ce dernier prit au mot. C'est au retour d'un voyage de quelques mois en URSS et en Chine qu’Alexis rédige le Manifeste pour la seconde indépendance, directive idéologique du parti à naître en octobre 59. Le tissu social paysan en Haïti l’amène à reconsidérer le ferment marxiste. Il en appelle à une collaboration de classes dans le but de renverser le régime à la fois féodal et colonial sur la moitié d’île. Les militants sont de jeunes gens qui agissent localement, sur fond d'entraide, sur toile de convulsions.
Le 2 juin 1960, Alexis s'adresse directement à Duvalier, dans une lettre gercée par son ironie gouailleuse. Il repart peu de temps après, pour trouver fonds et armes auprès de l’URSS ou de la Chine. La route inverse commence en mars 1961 et s'interrompt deux semaines à Cuba.
Avril 1961 annonce le retour d’Alexis sur ses terres. Et peut-être, comme dans Compère Général Soleil, la musique se levait-elle déjà :
« Et le quarteto sanglote une méringue inconsolable sur la joie douloureuse et poignante des femmes perdues, des putains saoules qui se débattent dans les hypogées de leur vie désespérée. »
Toujours est-il que c'était avril, mois du dernier réchaud des vitamines dans les oranges, où les couleurs fabriquent du jus et des fleurs ; les pétales rougissaient d'une honte bue, les chagrins remontaient des racines et les tivolis ombraient des chaleurs ambrées. C'était le mois des fêtes monothéistes, le sentiment mensuel du recommencement de l’histoire en printemps, quand les gens, heureux que le ciel ait cessé ses sarcasmes ébrieux, s'en remettent aux dons de la terre. C'était la fin de la saison sèche, celle qui donne moins de trente degrés à Haïti, Compère Général Soleil mesurait ses rayons jusqu'aux peaux des ouvriers agricoles, peaux rêches de travail hardi, calleuses des richesses de la terre retournée.
Jacques Stephen Alexis écrivait, le 11 janvier 1955, une lettre à sa fille Florence. Elle disait :
« Je n’aurai pas beaucoup de temps, hélas ! Pour continuer, du lointain où je me trouve, mon imprescriptible tâche paternelle… »
Alors ce mois d'avril 1961 gagné par les ténèbres de la torture française en Algérie, gorgé des châtiments réservés aux Blues de la Nouvelle-Orléans, ce mois d'invasion de Cuba par les États-Unis, un homme s'est présenté sur une plage haïtienne, haut de trois romans et mille contes, large d'une vie que la révolte chantait comme l'oiseau descille le matin, qui écrivait à sa fille en 1955 :
« Je puis te donner vois-tu, ma petite fille, quelque chose que je connais bien, pour l’avoir éperdument cherché et trouvé, tout en continuant à le chercher, c’est le sens de la pureté du cœur, de l’amour de la vie, de la chaleur des hommes… »
Avril, Avril, toi qui détailles le ciel de toutes les carrières du bleu, qui noues entre elles les codas du soir à nouveau prolongé, qui mises les chaleurs nouvelles sur la tête des noyés ; Avril, à l’esbroufe tranquille, au nez d'aquarelle, qui regardes le monde te regarder, avril, un homme était sur la côte de ton nom cette année-là, et il avait écrit à sa fille :
« Oui, j’ai toujours abordé la vie avec un cœur pur. C’est simple, vois-tu, Florence… »
Coupable de ses horizons incarnats, avril lovait Haïti dans les serres de Duvalier, et des gens courant le mois couraient l’envie d'un Duvalier en moins et celle des intempéries américaines éloignées, et c'est ainsi qu’avril de cette année était chevauchée par la liberté sur les serres, mais c'est ainsi quand c'est ainsi : l’horizon incarnat monte sanguinolent. À sa fille, il disait :
« Et surtout… n’oublie jamais qu’un être humain ce n’est pas seulement des bras, des jambes et des mains, c’est avant tout une intelligence. Je ne voudrais pas que tu laisses dormir ton intelligence. »
Peut-être était-ce nuageux, quand avril condense des points de perspective en grisonnantes paréidolies, peut-être était-ce clair comme avril clair, débarrassé des écritures qui dissimulent les rougeurs et les pales débuts d'aube. Peut-être et peut-être encore, avril, il ne nous est dit que ce nom, avril. Et l’homme débarqué avait fini sa lettre de 1955 :
« Quand on laisse dormir son intelligence, elle se rouille, comme un clou, et puis on est méchant sans le savoir… »
Le 22 avril 1961, Jacques Stephen Alexis s'avança sur le sable d’Haïti souhaitant Duvalier en moins. C'est la milice qui l’accueillit, lui et ses quatre comparses. Il fut assassiné après avoir été volé, ou est-ce l’inverse, qu'importe.
D'autres disent qu'on le tortura dans une geôle. Sa fille pense qu'il fut exécuté sur la plage. Avaient-ils été mouchardés ? Duvalier avait-il réussi à les repérer en amont ? La question est encore neuve. On sait qu’il fut porté disparu pendant deux ans, et que ça n'est qu'en 1963 que son fils, Jean-Jacques, sa deuxième épouse, Renée, sa fille, Florence, sa première épouse, Florence, purent entamer leur deuil. Jacques Stephen Alexis s'en était allé pour de bon, mort sans qu'on le retrouvât. C'était sans savoir que non loin du soleil brûlait une étoile de plus, un chapeau sur la tête, la larme à l'œil et le cœur indigné. Aujourd'hui, elle tutoie encore le brûlant compère général, elle lui dit, chaque jour, “Soleil, qu'attends-tu ?” Et il répond qu'on peut être méchant sans le savoir.
Bibliographie :
– Jacques Stephen Alexis, Compère Général Soleil, L'imaginaire, Gallimard, 1983
– Jacques Stephen Alexis, L’espace d'un cillement, L'imaginaire, Gallimard, 1983
– Jacques Stephen Alexis, Romancero aux étoiles, L'imaginaire, Gallimard, 1983
– Jacques Stephen Alexis, Les arbres musiciens, L'imaginaire, Gallimard, 1983
– Jacques Stephen Alexis, L'étoile Absinthe, Zulma, 2017
– Michel Séonnet, Le voyage vers la lune de la belle amour humaine, L'amourier
Crédits photo/illustration en haut de page :
Morgane Sabouret