Cher Amine El Khatmi,

Quelle semaine !

Jeudi 6 novembre, sur votre compte X, vous commentiez d’un « Dehors ! » illustré d’un émoji « avion » la nouvelle de l’interpellation à son domicile d’Omar Alsoumi, animateur du collectif Urgence Palestine, et de sa mise en garde à vue dans le cadre d’une enquête pour « apologie du terrorisme », appelant donc ouvertement à l’expulsion, sans autre forme de procès, d’un militant politique dont vous désapprouvez les opinions, félicitations. Une certaine conception du débat public, de la justice et de la démocratie en somme, doublée d’une fine connaissance du dossier puisqu’Omar Alsoumi, certes d’origine palestinienne, est un Français né en France, et que l’on ne voit pas très bien, dès lors, où vous voudriez l’expulser, à moins que votre « dehors » ait été une façon maladroite de signifier votre exigence de sa libération immédiate — mais nous avons comme un doute.

Quelques heures plus tard, toujours sur X, vous faisiez de nouveau montre de toute la subtilité dont vous êtes capable lorsque vous pratiquez votre exercice favori, à savoir prendre prétexte d’un fait d’actualité pour vous attaquer violemment à la gauche sociale et politique, estimant ainsi utile de nous livrer vos précieux commentaires sur la énième « polémique » islamophobe lancée, entre autres, par le député RN Julien Odoul. Un habitué du genre, qui a cette fois-ci décidé de s’en prendre à des jeunes filles musulmanes venues assister aux débats de l’Assemblée nationale en ayant à cette occasion l’audace, pour certaines d’entre elles, de ne pas retirer leur foulard, une attitude pleinement respectueuse de la loi de 1905 et des règles de l’Assemblée mais un sacrilège pour les haineux qui n’ont visiblement toujours pas compris — ou font semblant de ne pas comprendre — la différence entre racisme et laïcité.

Et ce ne sont évidemment pas les haineux en question que vous avez jugé bon d’attaquer mais celles et ceux qui, à gauche, se sont élevés contre cette nouvelle offensive islamophobe venue de l’extrême droite et relayée jusque dans les rangs de la macronie, à l’instar de Marine Tondelier qui a notamment déclaré que « le règlement de l’Assemblée nationale n’interdit pas aux femmes de porter le voile dans les tribunes mais [que] s’il interdisait l’islamophobie, beaucoup de politiques ne pourraient plus y entrer », c’est le moins que l’on puisse dire, exigeant « qu’on lâche la grappe aux femmes », effectivement. Et c’est justement à cette déclaration que vous vous en êtes pris en partageant un article du JDD-Bolloré relatant les propos de la secrétaire nationale des Écologistes, excellent choix, que vous avez ainsi commentés : « La gauche mollahs qui défend le voilement des fillettes. Collabos ! »

Voilà voilà.

Cher Amine El Khatmi, nous ne savons pas si ce sont ces outrances qui vous ont valu d’être invité le soir même à « L’Heure des pros », l’indispensable rendez-vous du talentueux Pascal Praud sur la remarquable chaîne d’information CNews, dans la mesure où vous êtes un habitué des médias Bolloré sur les plateaux desquels vous venez régulièrement prodiguer vos analyses toujours fort nuancées. Un examen attentif — et pénible — des publications de CNews sur X nous a ainsi permis d’établir que vous avez été mentionné à pas moins de 66 reprises sur le compte de la chaîne au cours de l’année 2025, bravo à vous, ce qui donne une idée non seulement du nombre d’invitations que vous avez reçues dans les émissions de Pascal Praud, de Laurence Ferrari ou de Gauthier Le Bret, mais aussi de l’intérêt que CNews porte à vos propos puisqu’elle juge utile de leur donner un écho en les rediffusant sur ses réseaux sociaux.

En nous plongeant, après avoir pris une grande respiration, dans vos interventions de ces derniers mois, nous avons ainsi pu apprendre que la reconnaissance de l’État de Palestine était « une trahison invraisemblable », qu’en France « il vaut mieux être une racaille qui brûle des voitures plutôt qu’un boulanger le 1er mai », qu’il y a « [un] nombre incroyable d’enseignants qui sont jetés sous le bus par des petits bataillons de wokes qui les traitent de fascistes parce que pour ces gens-là à peu près tout le monde est fasciste », que « [l’islamophobie] est un concept qui a été inventé par les mollahs iraniens il y a maintenant un peu plus de 30 ans, et c’est un concept qui prétend extraire l’islam de toute critique », que « l’objectif final » des Espagnols qui ont manifesté contre la présence d’une équipe cycliste israélienne dans le cadre de la Vuelta était que « les Juifs s’en aillent », que « la gauche, celle que l’on pourrait qualifier d’extrême, va devenir de plus en plus violente, hargneuse et sectaire », que « ce ne sont pas des Russes qui tuent aux terrasses ou qui décapitent des enseignants, ce sont toujours des islamistes », que « [quand] des parents acceptent que des enfants de 12 ans trainent dans la rue le soir, ce n’est pas de la faute de la société, ce n’est pas de la faute de la pauvreté, c’est de la faute des parents », que « les gens de gauche qui se disent universalistes sont devenus pires que l’extrême droite » ou encore que vous en vouliez à Emmanuel Macron « d’être très bavard dans les mots », intéressant.

Soulignons ici que vous n’êtes pas un petit nouveau sur la chaîne, à l’antenne de laquelle vous avez déjà brillé par le passé en déclarant par exemple, en autres :

- « Vous avez vu le point commun entre le Covid et les JO ? C’est que ce sont des périodes où l’action publique a été efficace parce qu’elle a dérogé au droit commun. […] Et donc on voit qu’il y a de l’efficacité dans les moments où on se fixe des objectifs et où on sort de la lourdeur de la bureaucratie » (octobre 2024) ;

- « [Les agriculteurs et la CGT] sont deux mondes qui n’ont rien à voir. Vous avez d’un côté des gens qui ne protestent quasiment jamais, qui travaillent dur, qui sont sur leurs exploitations 60, 70, 80 heures par semaine, et qui n’arrivent pas à vivre dignement des fruits de leur travail, et vous avez en face des enquiquineurs professionnels, des professionnels de la grève et de la barricade, qui emmerdent les Français tout le temps » (janvier 2024) ;

- « Israël doit riposter [contre l’Iran] parce qu’elle doit défendre un modèle. En réalité c’est une guerre entre deux visions de la société. […] D’une certaine manière, en se défendant, Israël doit défendre l’Occident » (avril 2024) ;

- « On a accueilli [en France] absolument tout le monde et n’importe qui sans vérifier si les personnes que l’on accueillait avaient vocation à pouvoir vivre dans notre pays et correspondaient aux critères auxquels on peut s’attendre » (septembre 2024) ;

- « J’ai déjà dit qu’entre Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, je voterai Marine Le Pen. Je l’ai déjà dit, ça m’a valu une volée de bois vert, je ne pensais pas un jour en arriver là, mais je considère qu’aujourd’hui le danger dans ce pays s’appelle La France insoumise » (janvier 2024) ;

- etc.

Que de chemin parcouru, cher Amine El Khatmi, depuis que étiez, dans les années 2000, un jeune militant socialiste enthousiaste, au point de vous retrouver à être le protagoniste principal d’un épisode de l’émission « Strip-Tease » consacré à la campagne de Ségolène Royal lors de la présidentielle de 2007, pour laquelle vous vous étiez alors donné corps et âme. Une époque désormais lointaine durant laquelle, étudiant en droit, vous étiez aussi allé jusqu’à participer en janvier 2009, au côté d’une conseillère municipale et d’un syndicaliste de l’Allier, à une grève de la faim lors du sinistre débat sur « l’identité nationale » initié par Nicolas Sarkozy, exigeant l’annulation des réunions organisées par les préfectures sur ce thème au motif qu’elles contribuaient à légitimer « l’expression du racisme le plus primaire », que le gouvernement cherchait à diviser le pays « en deux blocs : les bons Français de souche d’un côté et les mauvais immigrés et leur descendance de l’autre », et qu’il était temps de « délivrer des cartes nationales d’identité, pas des cartes d’identité nationale », pas sûr que vos amis de CNews approuvent la formule.

Un regard à vos publications sur X (alors Twitter) au début des années 2010 donne encore davantage une idée de celui que vous étiez à l’époque et des positions que vous défendiez, comme le montre ce florilège :

- « Eva Joly vient de défoncer Marine Le Pen. J’adore son côté "je fonce dans le tas, je fous un bon coup de boule et je repars" !!! » (décembre 2011) ;

- « Samuel Lafont [alors militant UMP] est islamophobe et raciste. À un moment donné, il faut nommer les choses clairement » (juillet 2012) ;

- « Gros con raciste » (août 2012, à propos de Brice Hortefeux) ;

- « Après le racisme anti-blancs de Copé, Parisot évoque un racisme anti-entreprises. Ce pays est un repère de cinglés, ma parole » (octobre 2012) ;

- « Le Pen parle des "racailles dans Paris". Elle oublie juste que les racailles en question, skinheads et crânes rasés, peuplent ses meetings » (mai 2013) ;

- « Qu’on vienne ici nous donner le nom du dernier jeune homme, de la dernière jeune fille, morte sous les coups de l’extrême gauche » (juin 2013, au moment de l’assassinat de Clément Méric) ;

- « Dire que Valeurs actuelles est une publication raciste relève de l’évidence » (septembre 2014) ;

- « Très bien », à propos d’une intervention de Laurent Fabius, alors ministre des Affaires étrangères, déclarant « [qu’]un État pour les Palestiniens ce n’est pas un passe-droit, c’est un droit » (novembre 2014) ;

- etc.

Vous avez bien évidemment le droit de changer d’avis, de même que vous aviez tout à fait le droit de décider, après avoir gravi les échelons du PS jusqu’à devenir, en 2014, conseiller municipal et adjoint à la maire d’Avignon, d’appeler en 2017 à voter pour Emmanuel Macron au premier tour de la présidentielle tout en restant membre du PS, avant de passer à l’opposition de gauche à la maire socialiste en 2018 et de tenter ensuite — sans succès — de figurer sur la liste d’Europe-Écologie-les Verts lors des municipales de 2020, d’appeler à voter pour Valérie Pécresse, contre la gauche unie, aux élections régionales en 2021, puis de soutenir à nouveau Emmanuel Macron en 2022 et de briguer — sans succès — une investiture LREM aux législatives la même année, pour finalement rejoindre en 2024 l’équipe de Valérie Pécresse au conseil régional d’Île-de-France en tant que « conseiller laïcité », quel talent, on se demande tout de même combien d’entorses vous vous êtes faites à force de changer de direction.

Avec un parcours d’une telle cohérence, nul doute que vous étiez particulièrement bien placé pour expliquer, à l’occasion de la publication, début 2024, de votre ouvrage Cynisme, dérives et trahisons (sic), que « le macronisme est d’abord le nom d’une inconstance, d’un zigzag permanent », parole d’expert. Et nul doute en outre que vous comprendrez que nous avons eu du mal à nous retenir de rire — nerveusement — lorsque, parcourant vos anciennes publications sur X, nous avons découvert que vous aviez une appétence certaine pour l’admonestation de leçons de « fidélité », de « cohérence » et de « convictions », qu’il s’agisse d’ironiser sur certaines alliances lors des élections municipales d’Avignon en 2014 en affirmant que « c’est faire preuve d’une grande fidélité à ses convictions que d’hésiter entre la droite et la gauche, chapeau », de moquer « [ceux qui] attendent d’avoir leurs postes pour retrouver leurs convictions » ou d’écrire, à propos de Frigide Barjot, ce qui suit : « Cette fille est l’opportunisme incarné. Elle a défilé avec le FN, eu sa carte à Désirs d’Avenir. Puis à l’UMP. L’indécence même », on ne vous le fait pas dire.

Cher Amine El Khatmi, nous n’oublions évidemment pas que vous ne seriez sans doute pas devenu celui que vous êtes aujourd’hui si vous n’aviez pas participé à la fondation du Printemps républicain en février-mars 2016, peu de temps après vous êtes fait remarquer en vous en prenant vivement, sur les réseaux sociaux, à Wiam Berhouma, une jeune enseignante de Noisy-Le-Sec qui avait eu l’impudence de dire ses quatre vérités à Alain Finkielkraut sur le plateau de l’émission de France 2 « Des paroles et des actes » (1). Une prise de position qui vous avait alors valu des critiques, légitimes, ainsi que de nombreuses injures et insultes, pas nécessaires, au point que certains journaux — entre autres Marianne, le Figaro et le Monde — s’intéressent à votre cas et publient des articles-portraits participant de la construction de la figure médiatique de « l’Arabe défenseur de la laïcité face aux communautaristes », que vous n’avez plus quittée depuis.

C’est donc en quelque sorte fort logiquement que vous a été proposé, en 2017, la présidence du Printemps républicain, au lancement duquel vous aviez contribué un an plus tôt au côté d’un certain nombre de personnalités souvent issues du Parti socialiste et désireuses de construire un mouvement revendiquant la défense d’une laïcité « remise en cause de toutes parts, manipulée à des fins politiques par certains, attaquée à des fins religieuses par d’autres, ignorée de beaucoup par indifférence ». Et c’est aussi fort logiquement que, durant la même période, vous vous êtes rapproché de Manuel Valls, dont vous avez soutenu la candidature lors de la primaire du PS pour l’élection présidentielle de 2017 et qui vous a peut-être, mais ce n’est qu’une hypothèse, donné quelques précieux conseils en matière de revirements d’opportunistes, l’une de ses spécialités.

Président du Printemps républicain de 2017 à 2023, vous avez durant ces années été, à l’instar de Laurent Bouvet, de Gilles Clavreul et d’alliés médiatiques comme Caroline Fourest, Raphaël Enthoven ou Sophia Aram, l’un des visages d’une mouvance qui, au nom d’une vision particulièrement restrictive de la laïcité, a rapidement assumé d’abandonner sa filiation avec la gauche, expliquant par exemple que « si le clivage gauche-droite n’est pas mort, il tend à se brouiller devant celui qui oppose désormais les républicains aux identitaires et aux communautaristes ». Et de se concentrer de plus en plus, alors que le mouvement affirmait lors de sa fondation cibler « l’extrême droite comme l’islamisme politique [qui] sont à la manœuvre pour tenter de jouer avec les peurs et les tensions qui traversent la société française », sur un combat contre celles et ceux qui, à gauche, ont refusé de se laisser entraîner sur la pente particulièrement glissante d’une prétendue lutte « pour la laïcité » essentiellement dirigée contre l’islam et les musulmans (2).

Voilà qui ne pouvait manquer d’attirer l’attention des médias de droite extrême et d’extrême droite, ravis de trouver des cautions de « gauche » à leurs obsessions identitaires, ce qui vous a valu d’être régulièrement salué, interviewé voire soutenu par nombre d’entre eux, de Causeur à Valeurs actuelles en passant par le Figaro Vox et même Boulevard Voltaire, on a les appuis qu’on mérite, et d’être invité de plus en plus fréquemment sur les médias audiovisuels de la galaxie Bolloré jusqu’à avoir votre rond de serviette sur CNews et Europe 1, bravo à vous. Des plateaux sur lesquels vous avez défendu des positions toujours plus en phase avec celles de l’extrême droite, avec parfois des scènes extrêmement malaisantes comme lorsqu’à l’été 2020, vous adressant, sur CNews, au directeur adjoint de la rédaction de Valeurs actuelles qui venait de publier un portrait de Danièle Obono dans lequel la députée était dépeinte en esclave, ce qui avait déclenché un tollé, vous n’avez rien trouvé de mieux à dire que ceci : « Je vous en ai voulu parce que vous m’avez obligé à apporter un soutien à quelqu’un dont je combats les thèses. […] Ne recommencez pas parce que c’est vraiment pénible de défendre Danièle Obono ! », le racisme ça va mais la prochaine fois faites ça moins grossièrement.

Et c’est donc finalement sans surprise que vous avez participé le 30 septembre 2023 à la soirée de lancement du média zemmouriste Livre noir (depuis devenu Frontières), au cours de laquelle vous avez accepté de jouer les faire-valoir en vous prêtant au jeu d’un « débat » avec Éric Zemmour, durant lequel vous avez entre autres affirmé que « nous sommes dans ce drôle de pays dans lequel des patriotes de gauche qui défendent la France et sa laïcité ne sont plus invités que par la droite et ouvertement boycottés par une gauche qui préfère inviter des rappeurs islamistes et acclamer des terroristes palestiniens ». Avant d’enfoncer le clou, au cas où votre auditoire d’extrême droite n’aurait pas compris le message : « Je préférerai toujours venir acter des désaccords avec des patriotes de droite que de prendre le risque de m’afficher avec une gauche qui a fait de la haine anti-France un moteur et un carburant » (3), rassurez-vous on avait bien compris la première fois.

Une intervention qui nous a immanquablement fait penser aux propos que vous aviez tenus dans l’excellent hebdomadaire le Point en juin 2021 : « Nous sommes la mauvaise conscience de la gauche, nous sommes les petits-cousins qui, aux repas de famille, viennent mettre les sujets qui fâchent sur la table, au moment où on en a le moins envie. Nous sommes ceux qui pointent leurs errements et leurs reniements en leur disant qu’ils ne devraient pas faire ça. » Alors on ne voudrait pas être désagréable mais sachez que, quitte à filer la métaphore du repas de famille, vous correspondriez plutôt à la figure du vieil oncle particulièrement réactionnaire, pénible et gênant, à cette nuance près que vous n’êtes plus invité au repas de famille et que vous partagez désormais des agapes, sur les plateaux de CNews, avec une assemblée de plus ou moins vieux oncles particulièrement réactionnaires, pénibles et gênants, excellant dans votre rôle au point d’être célébré par des maître du genre tel l’inénarrable Franz-Olivier Giesbert qui vous a par exemple qualifié, dans un éditorial du Point, de « résistant de la France libre », rien que ça.

Cher Amine El Khatmi, lors d’une interview en janvier 2024, vous déclariez, en toute modestie, ce qui suit : « Ne pas avoir été député ou ministre à 35 ans, on s’en remet. Je publie mon 4e livre, j’ai été adjoint au maire à 25 ans, je suis dans les médias nationaux, je pense avoir une voix. Venant d’où je viens et avec les origines sociales que j’ai, je n’ai pas le sentiment que mon parcours soit un échec » (4). Un bien bel itinéraire en somme, qui vous a conduit, mais ce n’est sans doute qu’un détail, à vous acoquiner avec la lie de l’extrême droite que vous prétendiez combattre hier, à changer d’écurie politique à un rythme quasi équivalent à celui de la légendaire Aurore Bergé, et à renier la plupart de vos engagements et principes, au point que même le Printemps républicain, que vous avez quitté en juin 2023, a jugé bon de se démarquer de vous, c’est dire, en publiant un communiqué « regrettant » votre défense du vote Le Pen dans l’hypothèse d’un duel avec Jean-Luc Mélenchon (5).

Un parcours exemplaire qui vous a en outre conduit, tout à votre quête de visibilité médiatique, à multiplier les outrances susceptibles d’attirer les regards sur vous, qu’il s’agisse de déclarer que « Jeremy Corbyn est un connard », de traiter Philippe Poutou de « débile » ou de qualifier Mathilde Panot de « poissonnière braillarde », à ce dernier propos n’hésitez d’ailleurs pas, à l’avenir, à nous épargner vos leçons de féminisme, merci d’avance (6). Le tout en prenant bien soin de brosser dans le sens du poil les chaînes du groupe Bolloré, comme lorsque vous avez jugé utile de publier, en février dernier, le post suivant : « Les propos de Jean-Michel Aphatie comparant sur RTL la colonisation française en Algérie au nazisme sont scandaleux. J’imagine que l’Arcom, qui a infligé une amende de 3,5 millions d’euros à C8 après la séquence durant laquelle Cyril Hanouna a qualifié Louis Boyard d’abruti, fera preuve de la même célérité après les propos lamentables tenus ce matin ! » Par charité, nous nous abstiendrons ici de tout commentaire sur cette comparaison aussi inepte que révélatrice de l’abyssale médiocrité de ce qui vous tient lieu de pensée.

Au total, cher Amine El Khatmi, votre parcours ressemble à celui d’un carriériste sans scrupule, prêt à se vendre au plus offrant à la seule condition que cela lui permette, comme on dit dans le métier, de « gagner en visibilité », et dont la seule boussole est sa petite personne, quitte à renier, toute honte bue, ses prétendues convictions, comme lorsque vous êtes passé en à peine plus de trois mois de « Pardon mais j’ai un malaise en lisant "les musulmans devraient donner de la voix et se désolidariser"... » (septembre 2014) à « Nous, musulmans, devons donner de la voix, hurler notre colère et dénoncer, inlassablement, le dévoiement de l’Islam par des barbares » (janvier 2015), chapeau l’artiste. Le plus offrant étant désormais l’extrême droite, avec ses élus, ses médias et ses milliardaires, nulle surprise à ce que vous ayez suivi la trajectoire que nous avons décrite dans cette missive et nul doute que, lorsque le moment sera venu, les hésitations dont vous avez fait preuve l’an passé lorsque les équipes de Marine Le Pen vous ont approché, à l’occasion des élections européennes, ne seront plus de mise. Pour la plus grande satisfaction de ceux que vous prenez pour vos nouveaux amis mais qui vous rappelleront, en temps voulu, que vous n’êtes pas des leurs, le seul sentiment qui les anime à votre endroit étant le racisme et leur seul intérêt étant que vous contribuez à l’alimenter, et ne vous étonnez pas alors que nous ne fassions preuve d’aucune empathie à votre égard car vous l’aurez bien cherché.

Cordialement,

Jules Blaster

(1) Entre autres : « En 10 ans en France, la parole raciste s’est considérablement libérée. Elle est devenue décomplexée, elle est devenue commune et surtout elle est largement partagée par une grande partie de la société française. […] Là où votre rôle d’intellectuel c’était d’éclairer les débats, vous avez au contraire obscurci nos pensées, nos esprits avec tout un tas de théories vaseuses et très approximatives. […] Vous avez surtout surfé sur des peurs, vous avez alimenté des amalgames comme j’ai entendu, que bon nombre de mes concitoyens ont entendus, et tout ça, tout ça, ça a encore plus alimenté ce climat-là délétère et ce climat qui est très, enfin à mon sens, qui est très grave. Et vous avez surtout, ce qui est pour moi le pire, vous vous êtes permis, vous vous êtes octroyé le droit de parler d’islam, de parler des musulmans et de parler des quartiers populaires alors que vous n’en n’avez ni les compétences ni la légitimité » (transcription réalisée à l’époque par Acrimed).

(2) À propos du Printemps républicain, on pourra notamment se reporter à l’enquête en quatre parties publiée en 2021 par Slate.

(3) Transcription réalisée par Mediapart.

(4) Interview à la Provence, 10 janvier 2024, consultée via le site de la BNF.

(5) Certains esprits taquins pourraient certes faire remarquer qu’en l’espèce vous êtes finalement plus cohérent que ce qui reste du Printemps républicain en ayant eu le mérite de pousser la logique du mouvement jusqu’au bout. Ce qui ne serait pas complètement inexact, mais ce qui n’enlève rien au fait que vous demeurez un modèle en matière de reniement et d’opportunisme, eu égard aux positions antérieures que nous avons rapportées dans cette missive.

(6) Un féminisme qui est une véritable seconde nature chez vous, qui traitiez déjà, en 2013, l’alors sénatrice socialiste Samia Ghali de « pauvre fille » après qu’elle eut fait huer François Hollande lors de l’une de ses interventions publiques.

Cher Amine El Khatmi - Boxing Day #55

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