La Ligue des droits de l’Homme et Jacqueline Rivault, dont deux petits enfants ont été tués par les bombardement israéliens, ont déposé une plainte contre X pour crimes contre l’humanité et crime de génocide, auprès du tribunal de Paris. Un séisme judiciaire et diplomatique à venir.
Jusqu’à octobre 2023, Jacqueline Rivault était une grand-mère aussi heureuse qu’inquiète. Sa fille, Yasmine Znaidi Abudaher, vivait avec ses trois enfants, Janna, Abderrahim et Omar, et son mari Palestinien à Gaza city. Une ville au quotidien dur, qui s’est transformée en enfer après les attaques du Hamas du 7 octobre et la guerre totale déclenchée par Israël. Le monde de Mme Rivault a lui aussi basculé.
Menacée par les bombardements incessants, la famille franco-palestinienne se réfugie d’abord chez la belle-mère de Yasmine. Devant l’intensification des attaques, elle s’installe dans une école, et enfin dans une maison située dans le nord du territoire encerclé, entre Fallouja et Beit Lahia.
Le 24 octobre 2023, l’armée israélienne pilonne cet abri de fortune, dont le premier étage s’effondre sur les membres de la famille. Abderrahim, âgé de sept ans, meurt sur le coup. Janna, 10 ans, succombe à ses multiples blessures et à ses graves brûlures lors de son transport vers l’hôpital Al-Awda de Jabila.
Leur mère est, elle aussi, gravement blessée par des éclats d’obus, et brûlée. Son fils cadet, Omar, 2 ans et demi, a le bassin fracturé et souffre de plusieurs fractures des membres inférieurs pour lesquelles il sera opéré.
Quelques jours plus tard, Jacqueline Rivault reçoit un message de sa fille qui lui apprend que deux de ses petits-enfants ont été tués. Le 31 octobre 2023, le ministère français des Affaires étrangères publie un communiqué confirmant la mort de deux enfants français à Gaza, tout en faisant part de ses difficultés pour entrer en contact avec la mère des enfants.
Un an et demi après les faits, la grand-mère, accompagnée par la Ligue des droits de l’homme, a décidé de réagir. Et ce, en portant plainte auprès du doyen des juges d’instruction du tribunal judiciaire de Paris, ce 6 juin. Une action en justice avec constitution de partie civile contre X pour « homicide volontaire », « tentative de meurtre », « crime contre l’humanité » « génocide » et « complicité de génocide ». Selon le texte de la plainte, que Blast a pu consulter, les meurtres des deux enfants et les tentatives de meurtres de leur mère et de leur frère cadet constituent « des crimes graves qui, en raison du contexte plus général dans le cadre duquel ils étaient commis, relèvent nécessairement des éléments constitutifs du crime de génocide ». Les plaignants espèrent que « les personnes ayant instigué » ces actes criminels, « notamment Benjamin Netanyahu ainsi que les membres du gouvernement israélien », pourront « être tenues pour complices » de ces « homicides et tentatives d’homicides en tant qu’actes constitutifs de crime de génocide ».
Plan concerté et assumé par le gouvernement israélien
En effet, si Yasmine Znaidi Abudaher et ses enfants ont été ciblés, selon les écritures d’Arié Alimi, le conseil de Mme Rivault, c’est « dans le cadre d’un plan concerté et assumé par le gouvernement israélien à l’encontre d’un groupe de population civile palestinienne. » L’avocat engagé insiste : « Il ressort des déclarations publiques de Monsieur Benjamin Nentanyahu que l’intention du gouvernement était de cibler l’intégralité de la population palestinienne, sans distinction, et ce dans le cadre d’attaques systématiques contre des populations civiles. »
Dans un communiqué annonçant la tenue d’une conférence de presse ce 6 juin à 10 heures, la LDH a dévoilé l’autre objectif de cette plainte : faire cesser le massacre en Palestine. « A l’heure où le nettoyage ethnique mis en œuvre dans la bande de Gaza a été confirmé et assumé par les autorités israéliennes, cette grand-mère et la LDH (Ligue des droits de l’Homme) ont décidé d’agir et de contribuer aux actions visant à l’empêcher par le biais du droit, écrit l'association. Cette plainte a pour vocation d’induire des conséquences pénales pour tous les ressortissants israéliens, soldats ou responsables politiques, ayant participé à des exactions susceptibles d’être qualifiées de crimes contre l’humanité ou de génocide. »
Des civils tués et blessés dans le cadre d’attaques militaires systématiques, tournées vers une population spécifique et assumées publiquement par un gouvernement, seraient ainsi des actes constitutifs de crimes contre l’humanité et d’un crime de génocide. Une argumentation juridique qui semble aussi implacable que diplomatiquement inflammable, sur laquelle la Justice française va désormais être amenée à se pencher.
Crédits photo/illustration en haut de page :
Morgane Sabouret