Djamel, Mustafa, Hamid, Aboubakar, Hichem et les autres… Macabre décompte : depuis le début de l'année scolaire, soit septembre 2024, j'ai recensé cinq assassinats en France, dont deux en cinq semaines entre fin avril et fin mail 2025. Il y en a probablement d'autres, qui passent pour des homicides ordinaires faute d'avoir pu en établir le mobile. Je parle ici de crimes racistes.

Deux seulement sont reconnus comme tels par la justice. Ce sont les plus connus et les plus récents : le meurtre d’Aboubakar Cissé, poignardé à 57 reprises aux cris de « ton Allah de merde » dans la mosquée de La Grand-Combe (Gard) le 25 avril dernier. Et l’assassinat d'Hichem Miraoui le 31 mai à Puget sur Argens (Var), perpétré par un fervent partisan du RN doublé d'un maniaque des armes animé par une haine obsessionnelle des Arabes et des Musulmans. Dans deux vidéos diffusées avant et après l'assassinat, le tueur a revendiqué son geste et assumé ses motivations, il a logiquement été mis en examen pour un assassinat raciste et à caractère terroriste.

Les trois autres crimes n'ont pas été considérés comme potentiellement racistes par la justice bien que le racisme ait très vraisemblablement constitué a minima une des motivations des meurtriers.

Le 31 août 2024, à Cappelle-la-Grande près de Dunkerque, Djamel Bendjabalah, un éducateur spécialisé de 42 ans, était tué par Jérôme Décofour, chef pour le Nord d'une milice survivaliste d'extrême droite, la Brigade française patriote (plusieurs centaines de membres, dont beaucoup d'anciens militaires). Djamel était en couple depuis trois ans avec l'ancienne compagne du meurtrier. Le drame passe pour un tristement banal « crime passionnel ». Sauf que la victime avait porté plainte trois fois pour des injures racistes, reconnues par l'auteur - toutes classées sans suite à cause d'une erreur de droit du Parquet qui s'est trompé sur les délais de prescription. Elle avait signalé que Décofour était lourdement armé, sans aucune autre conséquence qu'une audition au commissariat. Après sa mort, la procureure n'a pas jugé nécessaire d'enquêter sur la piste raciste, ni sur le réseau armé et pourquoi pas potentiellement terroriste auquel appartenait le tueur. Pas même une mise en examen pour détention illégale d'armes. La circonstance aggravante de racisme n'a pas été retenue.

Ce même Parquet de Dunkerque n'a pas jugé utile ne serait-ce que d'envisager que le racisme ait pu jouer un rôle dans la mort de deux réfugiés kurdes iraniens, Mustafa et Hamid, abattus à Loon-Plage le 14 décembre dernier. Le meurtrier venait de tuer deux de ses anciens collègues et son ex-patron, avant de reprendre la route, de s'arrêter près d'un camp de migrants et de s'en prendre cette fois à deux personnes qu'il ne connaissait pas. Est-il totalement extravagant, compte tenu de ce comportement en apparence illogique - trois meurtres suite à des différends professionnels et deux autres sans mobile apparent - de se demander si le racisme n'a pas joué un rôle ? Est-ce une lubie d'antifasciste obsessionnel qui verrait du racisme partout ?

Car entendons-nous bien : une mise en examen pour homicide avec la circonstance aggravante de racisme ne signifie pas que le meurtre est considéré comme raciste. Il signifie juste que le ou la procureur.e demande au juge d'enquêter pour explorer cette piste possible. Rien de plus, rien de moins. En règle générale, le Parquet ouvre une enquête sur la qualification la plus large pour explorer toutes les pistes. Quitte à abandonner celles qui n'ont rien donné. Inclure dès le début de la procédure cette circonstance aggravante de racisme ne présage nullement de la suite, et n'implique pas que le mis en cause sera poursuivi - et encore moins condamné -, pour ce chef d'accusation.

A contrario, ne pas retenir la qualification raciste lors de l'instruction revient à écarter par principe ce mobile, voire à demander aux enquêteurs de ne pas examiner cette piste. Bien sûr en théorie, si de nouveaux éléments apparaissent, le Parquet peut à tout moment de l'enquête reconsidérer sa position et, aux termes d'un réquisitoire supplétif, retenir la circonstance aggravante de racisme. Mais dans les faits, c'est assez rare : « quand tu ne cherches pas, tu as peu de chances de trouver », me dit un ancien policier. « Dans l'affaire Bendjaballah, les flics, qui croulent sous les procédures, ils ont un coupable et même un mobile plausible, la jalousie. Pour eux le dossier est plié, pourquoi veux-tu qu'ils s'emmerdent à ouvrir d'autres pistes que le Parquet ne leur demande même pas d'étudier ? », se désole cet ancien policier, familier des procédures pénales. De fait, il est rarissime que cette circonstance aggravante apparaisse en cours d'instruction. Ne pas retenir le caractère raciste lors de l'ouverture d'une instruction revient, dans la plupart des cas, à l'exclure

Quand le racisme tue, les médias baissent les yeux

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Chère Rachida Dati - Boxing Day #38

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