Le film que BHL n’a pas compris (pourtant c’est son préféré !)

"Depuis 1990, une aventure étrange est arrivée à La Règle du Jeu. Elle est devenue le titre d'une revue qui prône exactement ce dont le film démontre l'échec. À savoir l'engagement politique direct, la division du monde entre « bons absolus » et « méchants absolus » et l'ignorance que « tout le monde a ses raisons ». Celle-ci est dirigée par un éditorialiste va-t'en-guerre que vous connaissez sous le nom de Bernard-Henri Lévy. Et ce dernier a, à plusieurs reprises, présenté le film de Renoir comme son film préféré. Il a même déclaré que la structure de La Règle du Jeu était la matrice de son propre film, Le jour et la nuit. Dans Monaco Hebdo, er 2010, par exemple : « Il y a très peu de défauts dans ce film, explique-t-il, en nous en livrant la clef : il a pour modèle La Règle du jeu de Jean Renoir » Ou lors de son portrait par Vanity Fair en 2006 : « It was constructed a little like Jean Renoir's La Règle du Jeu, Lévy's favorite film. » Si Jean Renoir et l'éditorialiste va-t'en-guerre sont tous deux issus de la même classe sociale, on notera tout de même la grande différence de regard portée sur celle-ci. Dans Le Jour et la Nuit, le grand bourgeois dans le domaine duquel s'organise les différents chassés croisés amoureux soutient un ami révolutionnaire, luttant contre une dictature d'Amérique du Sud. De mauvais opposants venus du peuple, et associés à un jeune homme épris d'une « pureté révolutionnaire » qui se veut sans doute allégorique, se méprennent sur son compte et tuent son amoureuse, l'acculant au suicide dans une des scènes les plus involontairement hilarantes de toute l'histoire du cinéma. Dans Le Jour et la Nuit, comme dans La Règle du Jeu, on tue des animaux devant la caméra, mais c'est moins pour montrer la vanité et la cruauté d'une classe sociale que la virilité des personnages masculins. Et si Renoir dresse dans La Règle du Jeu un portrait glaçant de la grande bourgeoisie de son temps, la seule autocritique qu'illustre Le Jour et la Nuit est celle qui consisterait à dire : « J'ai un gros défaut : je suis beaucoup trop généreux et je me fais avoir par les autres qui ne comprennent pas la grandeur de ma tâche. » Le jour et la nuit sera qualifié par Les Cahiers du cinéma de « plus mauvais film français depuis 1945 » et considéré par Claude Chabrol comme un des « trois plus mauvais films de l'histoire du cinéma », ajoutant, l'année de sa sortie : « Il a fait le film le plus con de l'année. Le plus grave c'est que tout le monde le lui a dit mais il refuse de le croire. »

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