- « La moitié des morts [à Gaza] sont des combattants », soit un chiffre que seule l’armée israélienne, dont l’impartialité est évidemment à toute épreuve, ose avancer, et qu’aucune ONG ou instance internationale ne juge fiable, contrairement aux données fournies par les autorités de Gaza ;

- « Il y avait la guerre avant le 7 octobre ? », soit une vraie-fausse question dont le résultat, sinon l’objectif, est d’invisibiliser la situation d’occupation, de colonisation et de blocus antérieure au 7 octobre 2023, qui n’est peut-être pas ce que vous appelez la « guerre » mais qui a tout à voir avec un quotidien de violence coloniale ;

- « Tous ces gens qui ont été massacrés [le 7 octobre 2023] aidaient les Palestiniens. Faut se renseigner mon vieux », alors là on ne sait même pas quoi dire tellement c’est affligeant, mais sans doute avez-vous des informations inédites établissant que l’ensemble des victimes du 7 octobre 2023, y compris les 300 militaires tués ce jour-là, faisaient partie d’un convoi humanitaire israélien destiné à briser le blocus ;

- « Je vous conseille de vous intéresser aux 20% d’Arabes israéliens pour leur demander s’ils sont victimes d’apartheid », on vous le conseille aussi vous ne serez pas déçu du voyage, et on vous conseille également, au passage, les études d’Amnesty International, de Human Rights Watch ou de l’ONG israélienne B’tselem sur le sujet, mais aussi du très gauchiste Département d’État US qui évoquait déjà il y a 15 ans les « discriminations institutionnelles, juridiques et sociétales à l’encontre des citoyens arabes israéliens » ;

- « Évidemment que la colonisation de la Cisjordanie doit être stoppée. Mais tant que ces crétins du Hamas continueront la guerre, le monde oubliera la Cisjordanie », ou comment rendre le Hamas responsable de… la poursuite de la colonisation ;

- Etc.

En mars 2024, vous aviez même pris votre plus belle plume pour publier un billet dans lequel vous faisiez part de votre révolte non face aux événements en cours à Gaza mais plutôt face aux termes employés pour les qualifier, une bien noble indignation à l’heure où plus de 30 000 personnes avaient déjà été tuées dans la petite bande côtière et où Israël clamait haut et fort sa volonté de poursuivre le massacre. « La qualification de génocide à Gaza, une accusation de trop » : tel était ainsi le titre de votre courageux texte, dans lequel on apprenait entre autres que « dans le cas d’Israël, la volonté d’éliminer les Gazaouis n’est absolument pas établie, en dépit des déclarations de quelques responsables politiques de l’extrême droite israélienne », tout va bien alors. Rappelons tout de même que les « quelques responsables politiques » israéliens étaient alors, notamment :

- le Premier ministre : « Ils sont le peuple des ténèbres, et la lumière triomphe des ténèbres » ;

- le ministre de la Défense : « Nous combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence » ;

- le chef de l’État : « C’est une nation entière qui est responsable. Ce n’est pas vrai cette rhétorique selon laquelle les civils ne sont pas conscients et ne sont pas impliqués, c’est absolument faux. […] Nous nous battrons jusqu’à ce que nous leur brisions la colonne vertébrale » ;

- le vice-président du Parlement : « Nous avons tous un objectif commun : effacer la bande de Gaza de la surface de la Terre ».

Cher Jean Quatremer - Boxing Day #34

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