Cher Paul Amar,

Quelle semaine !

Lundi 28 juillet, vous relayiez sur votre compte X une publication du très recommandable Jean Messiha, ex-porte-parole d’Éric Zemmour, dans laquelle il se réjouissait finement « [qu’]excédée par le bordel que foutent chaque week-end les enragés pro-palos et leurs serpillières gauchistes dans les rues de Berlin, la police allemande a décidé de frapper fort en évacuant sans ménagement cette lie pour dégager la voie publique », autrement dit la grossière célébration d’une violente intervention policière contre une manifestation de solidarité avec Gaza, à chacun ses petits plaisirs. Deux jours plus tard, vous repreniez un post du publicitaire Frank Tapiro, organisateur du récent gala de soutien à l’armée israélienne où l'on a bien ri des morts à Gaza, dans lequel il saluait « [un] excellent papier de Yael Bensimhoun qui explique que ce n’est pas l’arrivée des juifs qui a chassé les arabes de Palestine en 1948, mais l’arrivée des juifs qui a fait venir les arabes », cela se veut peut-être malin mais c’est ce que l’on appelle du révisionnisme.

Celles et ceux à qui votre nom est familier mais qui vous avaient perdu de vue et se souviennent de vous comme d’un journaliste ayant officié sur le service public, sur TF1 et sur Paris Première, présentant même le 20h de France 2 de 1992 à 1994 et ayant acquis une notoriété certaine suite à « l’épisode des gants de boxe » lors d’un célèbre débat entre Bernard Tapie et Jean-Marie Le Pen, seront peut-être surpris d’apprendre que vous estimez aujourd’hui utile de relayer les humeurs de Jean Messiha, adepte de la théorie raciste-complotiste du « grand remplacement » ou de Frank Tapiro, récent auteur de la profonde pensée selon laquelle « l’islamophobie, c’est totalement normal, c’est une émotion, c’est pas un délit ». Mais force est de constater que ces deux publications ne sont pas un accident et qu’elles sont en réalité à l’image de ce que vous êtes devenu, c’est-à-dire un propagandiste zélé des thèses islamophobes les plus crasses et un défenseur inconditionnel de l’État d’Israël alors même qu’il est en train de mener une guerre génocidaire à Gaza.

Un examen de vos publications sur les réseaux sociaux donne une idée de ce qui vous tient désormais lieu d’univers de pensée, à commencer par les charmants personnages dont vous choisissez de relayer les « idées », les « informations » voire les « bons mots », entre autres :

- Bruno Attal, ex-syndicaliste policier d’extrême droite révoqué de la Police et candidat aux élections législatives en 2022 pour Reconquête, qui avait alors expliqué « [vouloir] une circonscription où le grand remplacement est un fait, c’est-à-dire où les Français ont été chassés, [pour] montrer comment les islamo-gauchistes ont fait partir les Français pour prendre le pouvoir municipal et ensuite le pouvoir législatif » ;

- Gilles-William Goldnadel, avocat zemmouriste, chroniqueur au FigaroVox et sur CNews, qui a récemment opposé « l’antisémitisme vivant, dangereux, purulent, de monsieur Mélenchon » à « l’antisémitisme éventuel » de Jean-Marie Le Pen, et qui a également cru bon, à propos de Gaza, de parler du face-à-face entre, d’une part, « un État juif, occidental, blanc » et, d’autre part, « des terroristes basanés » ;

- Céline Pina, « essayiste » connue pour avoir, entre autres, expliqué que les enfants de Gaza tués dans des bombardements, contrairement aux enfants israéliens tués le 7 octobre 2023, « ne mourront pas en ayant l’impression que l’humanité a trahi tout ce qu’ils étaient en droit d’attendre » ;

- Florence Bergeaud-Blackler, « universitaire » complotiste obsédée par la chasse aux « Frères musulmans », à leurs « alliés objectifs » et aux alliés objectifs de leurs alliés objectifs ;

- Christine Kelly, star du système médiatique Bolloré ;

- Véronique Genest, fan de saucisson pur porc et d’Éric Zemmour ;

- « Bleu Blanc Rouge ! », compte X d’extrême droite qui prétend « [combattre] ceux qui abîment la France et la détestent et [mettre] en avant ceux qui la défendent et qui l’aiment » ;

- « Wolf », autre compte X d’extrême droite qui se présente comme étant « patriote » et « jambon-beurre » ;

- etc.

Même si nous tentions de faire preuve d’indulgence en essayant d’imaginer que vous ne connaitriez pas les auteurs des posts que vous relayez, le problème est que leur contenu ne souffre guère d’ambiguïté, puisque l’on parle ici par exemple d’une Céline Pina expliquant, à propos de Rima Hassan, que « cette femme qui reprend les arguments du Hamas n’a rien à faire en France et devrait être déchue de sa nationalité », c’est bien noté, d’un Bruno Attal s’en prenant aux « nazislamistes de LFI », c’est très fin, ou d’un « Wolf » publiant une vidéo de la rupture du jeûne lors du ramadan à Anvers assortie du commentaire « la Belgique est foutue », tout simplement. Avec parfois quelques jolis combos, comme quand vous relayez les propos de l’incomparable députée des Français d’Israël Caroline Yadan, destinataire de l’une de nos précédentes missives, lorsqu’elle reposte, en le félicitant, Bruno Retailleau — à qui nous avons également adressé une de nos lettres, le monde est petit.

Cher Paul Amar, soyons honnête et reconnaissons que vous ne vous limitez pas à donner de l’écho à des individus connus pour leurs outrances, mais que vous êtes aussi capable de produire les vôtres, bravo à vous, notamment dans les courtes vidéos que vous avez pris l’habitude de mettre en ligne ces derniers mois et qui, on doit le dire, valent le détour. Depuis le 6 octobre 2024 et une fort modeste et nécessaire « adresse au Président de la république Emmanuel Macron », première d’une longue série, on y reviendra, ce sont pas moins de 20 vidéos d’environ 1’30’’ que vous avez publiées, sous forme d’éditoriaux face caméra au cours desquels vous nous donnez votre indispensable avis sur des questions d’actualité avec, comme on va le voir, un certain nombre d’obsessions qui ne jurent pas avec celles des aimables personnages que nous venons d’évoquer.

Dans la plus récente d’entre elles, publiée le 25 juillet en réaction à l’annonce faite par Emmanuel Macron de sa volonté de reconnaître l’État de Palestine, et sobrement titrée « Emmanuel d’Arabie », tout un programme, vous expliquez ainsi ce qui suit : « Monsieur le président, c’est aux Français et non au Hamas que vous devez votre élection. Ce sont les Français agressés à qui vous devez protection, et non aux Gazaouis qui avaient applaudi au pogrom du 7 octobre 2023 ». Voilà qui est, chacun l’avouera, très subtil, et nous n’avons guère été étonnés de constater que Valérie Boyer, sénatrice LR nostalgique du bon temps de colonies, avait adoré, comme elle s’était d’ailleurs réjouie de votre vidéo du 9 mai 2025 dans laquelle vous expliquiez qu’à l’occasion des massacres commis par la France en Algérie lors des manifestations indépendantistes de Sétif, Guelma et Kherrata en mai 1945, avec des dizaines de milliers de morts, « l’armée [française] réagissait à des massacres antérieurs, ceux d’Européens », un genre de légitime défense donc.

Le 11 mars 2025, dans une autre vidéo au titre tout aussi astucieux (« Le tocsin et le muezzin »), vous vous en preniez déjà à la politique étrangère d’Emmanuel Macron, ironisant au sujet de ses propos du 5 mars sur le « réarmement » face à la Russie alors que selon vous, dans le même temps, il serait silencieux face à la véritable menace. Laquelle ? On vous écoute : « Ce tocsin amplifiée par les médias couvre un autre son qu’Emmanuel Macron ne veut toujours pas entendre, celui du muezzin ». Ça commence très fort et la suite est, comme on va le voir, du même acabit : « D’où cette posture ambivalente, le fameux en même temps : Churchill face à Poutine qui n’est tout de même pas aux portes de Paris et Chamberlain ou Daladier face aux Frères musulmans qui eux sont dans Paris et dans nos villes. Ce cheval de Troie installé depuis tant d’années en France ne parle pas russe que je sache, mais bien français, et parfois arabe ». Voilà voilà.

À peine un mois plus tôt, le 19 février 2025, vous nous apportiez vos lumières à propos des négociations entre le Hamas et l’État d’Israël concernant les échanges de prisonniers/otages, que vous avez jugé utile de qualifier de « troc que ces sauvages infligent à la seule démocratie du Moyen-Orient », tout de même. Et de pointer ensuite « la plupart des démocraties européennes, dont la France » qui « ménageraient » ces « sauvages » car elles seraient « apeurées d’être la nouvelle cible de ces islamistes », si vous le dites. Avant de vous envoler loin, très loin : « Mais elles le sont déjà [des cibles]. Paris, Munich, Vienne, Stockholm, Londres : pas un jour ne passe sans que des civils soient poignardés, des policiers agressés, des promeneurs fauchés, des femmes violées au nom d’un dieu imaginaire. Combien de bébés devront-ils être exécutés pour que l’Europe si faible et si lâche se réveille et réagisse enfin ? ». L’abus de CNews nuit gravement à la perception du monde.

Et nous pourrions malheureusement continuer à rapporter et commenter les obsessions que vous estimez pertinent de partager en vidéo sur vos réseaux sociaux, mais tout le monde aura bien compris, au vu de l’aperçu — loin d’être exhaustif — que nous venons d’en donner, en quoi elles consistent : légitimation des politiques coloniales, passées et présentes, soutien inconditionnel à Israël et à sa guerre génocidaire à Gaza, islamophobie crasse et décomplexée… sans oublier les outrances répétées à l’égard de Jean-Luc Mélenchon et de la FI, comme lorsque vous expliquez en toute décontraction lors d’une interview que « La France dite insoumise [est] insoumise à nos lois de la république mais soumise de plus en plus à la charia », OK Jordan Bardella.

Quitte à verser dans la diffusion de fake news, en reprenant par exemple l’intox selon laquelle le slogan « À bas l’État, les blancs et les fachos » aurait été scandé lors d’une manifestation antiraciste organisée le 22 mars à Paris, soit du grand n’importe quoi. Jusqu’à l’absurde et l’abject, quand vous avez posté le 9 juin des images d’un rassemblement de soutien à Gaza qui s’était tenu la veille à Paris, où l’on entend les manifestants scander « Génocide à Gaza : on ne se taira pas ! », un mot d’ordre que vous avez transformé en un « Génocide à Gaza : au feu les rabbins » (sic), si tout cela n’était pas si dramatique et outrancier on aurait envie d’en rire. À l’heure où nous écrivons, la vidéo ridiculement mensongère que vous avez enregistrée à cette occasion dans le but d’interpeller Emmanuel Macron, vous y tenez, à propos d’un slogan qui n’est rien d’autre que le fruit pourri de votre imagination, est toujours en ligne.

Cher Paul Amar, nous devons avouer que nous faisons partie de celles et ceux qui vous avaient quasiment perdu de vue depuis une dizaine d’années, après que vous eûtes officié, durant les décennies 1990, 2000 et 2010, sur France Télévisions, TF1 et Paris Première. Vos expériences suivantes furent plus confidentielles mais sont, de toute évidence, fort significatives, puisque vous avez été recruté en mars 2015 par la chaîne israélienne de Patrick Drahi i24News, sur laquelle vous avez présenté pendant deux ans une émission quotidienne (« Paris-Jaffa »), en direct d’Israël, et de laquelle vous êtes devenu directeur de l’information fin 2015. Un poste que vous avez quitté début 2017, et à propos duquel vous avez par la suite expliqué, alors que vous étiez questionné sur les orientations éditoriales de la chaîne, ce qui suit : « Non, je n’étais pas la "voix d’Israël". Quand Patrick Drahi a créé i24, il l’a tout de suite positionnée comme une chaîne internationale d’informations. […] De mon côté, j’ai été très clair avec Patrick Drahi quand je suis arrivé. Je me suis inscrit dans une logique journalistique en proposant une grille de lecture du conflit israélo-palestinien basée sur les faits, rien que les faits ». Lorsque l’on connaît le pedigree propagandiste d’i24News, dont le dernier exemple est évidemment son traitement de la guerre génocidaire d’Israël à Gaza, on a du mal à se retenir de rire — nerveusement.

Dans un portrait réalisé par le Monde à l’été 2018, où l’on apprenait entre autres que l’on pouvait « [vous] rencontre[r] souvent, la mèche saillante et le regard facétieux, à la boulangerie du coin, le temps d’échanger quelques banalités souriantes, la baguette sous le bras », c’est touchant, vous sembliez en retrait de l’agitation médiatique et affirmiez notamment ce qui suit : « Je me tais depuis très longtemps, et ça me va ». Mais il ne vous aura pas fallu longtemps pour sortir de cette quasi-retraite, embauché à l’été 2021, à l’âge de 71 ans, par la Radio de la communauté juive (RCJ) pour y animer des émissions d’actualité (« En toute liberté », « Le grand rendez-vous ») et pour y commettre des éditoriaux toujours très mesurés, comme lorsque vous déclariez, à la veille des élections législatives de juin 2024, que « la gauche, la vraie, celle de Blum et Mendès, a volé en éclats, vampirisée, absorbée par une nouvelle peste brune antisémite, dite La France insoumise, oui insoumise aux valeurs républicaines mais soumise à l’oumma islamiste », décidément.

Mais tout cela ne vous suffisait visiblement pas et, le 6 octobre 2024, vous avez publié le message suivant sur X : « L’actualité m’incite à m’exprimer de nouveau. Je le fais sur un nouveau compte. Le précédent ayant été piraté », il est vrai que le peuple attendait avec une impatience mêlée de fébrilité le retour de Paul Amar. Un « nouveau compte » sur lequel vous vous êtes ainsi mis à publier des éditos tels ceux que nous avons déjà évoqués, lesquels se sont avérés suffisamment outranciers pour vous valoir, votre notoriété aidant, les félicitations d’individus fort recommandables tout heureux de voir un ancien présentateur du 20h se faire l’écho de leurs lubies, quel talent. Jusqu’à ce que, récompensé pour vos efforts, vous finissiez par être invité sur CNews pour y commenter, au côté d’autres chroniqueurs tout aussi mesurés, l’actualité nationale et internationale : à chacun son Graal.

C’est ainsi que l’on pu vous entendre, ces dernières semaines, déclarer sur les plateaux des médias Bolloré :

- à propos de Sandrine Rousseau, lors des débats autour de la loi Duplomb : « Elle est députée écolo, elle prétend défendre la terre mais elle est hors sol, au sens littéral du terme. C’est une députée qui veut défendre la terre, qui veut la protéger mais qui n’aime pas la campagne » ;

- à propos de Rima Hassan : « Ce que l’on ne veut pas dire c’est que Rima Hassan était une agente de la Syrie au temps de Bachar al-Assad. […] Depuis la chute de Bachar al-Assad, Rima Hassan s’est mise au service, ce sont des informations que je vous donne, au service de l’Algérie » ;

- à propos de la grève des contrôleurs aériens le 4 juillet : « Vous avez 272 personnes qui pourrissent la vie de 500 000 passagers, pas seulement français, européens, et venus du monde entier, vous imaginez l’image que l’on donne des transports aériens en France et dans le monde ? » ;

- à propos des critiques contre l’État d’Israël après son attaque contre l’Iran : « Il y a une volonté de séduction de la communauté musulmane en France et en Europe […] et la gauche alliée à l’extrême gauche l’a très bien compris parce que la courbe démographique est telle qu’il y a énormément de musulmans en France » ;

- à propos de violences commises contre des policiers à Limoges : « C’est prémédité, c’est clair, ces guet-apens, c’est organisé d’une façon militaire, moi ça me fait penser au mode opératoire, qui tient à la fois de l’intifada et de la guérilla » ;

- à propos de Tiago Rodrigues, directeur du festival d’Avignon, suite à ses prises de position en soutien aux Gazaouis : « J’attends de Rachida Dati, ministre de la Culture, qu’elle exclut ce garçon de la direction du festival » ;

- à propos des manifestations contre l’A69 les 4, 5 et 6 juillet : « Dans cette internationale du désordre qui frappe aujourd’hui la France comme d’autres pays européens, mais particulièrement la France, il y a trois branches : la branche politique, LFI, violence verbale ; la branche armée, entre guillemets, m’enfin les boules de pétanque c’est une arme, une machette c’est une arme, les black blocs et tous ces anars ; et une branche qui s’est ajoutée à celle-ci, la branche islamiste, avec le drapeau du Hamas (1) qui flotte partout » ;

- etc.

Soit, en moins de deux mois, des attaques contre, entre autres, les mouvements sociaux, les écologistes, La France insoumise et la solidarité avec les Palestiniens, le tout agrémenté de défense de l’État d’Israël, de soutien aux « forces de l’ordre » et de propos alarmistes voire complotistes contre « les musulmans » : ce que l’on appelle le bingo CNews. Votre retour sur les plateaux TV s’est ainsi opéré dans des conditions idéales pour y développer ce qui vous tient lieu de pensée, et vous vous réjouissez d’ailleurs de pouvoir enfin dire ce que vous avez sur le cœur, comme vous l’avez expliqué lors d’une interview à la chaîne israélienne Tandem TV : « Non seulement je suis sorti de mon devoir de réserve, mais bon je ne suis plus en exercice, si j’avais été sur France 2, sur TF1, je ne l’aurais pas fait. Donc là je suis un homme tout à fait libre et je ne dépends d’aucun média, sinon je ne l’aurais pas fait… Là je m’exprime en homme libre, tout à fait, et indépendant de tout, je ne suis dépendant à l’égard de quiconque », c’est beau.

Au cours de cette même interview, vous vous êtes d’ailleurs laissé aller à développer un peu plus votre vision du monde, à grands renforts de parallèles douteux et imprégnés de colonialisme avec votre expérience d’enfant juif ayant grandi en Algérie durant la guerre d’indépendance. Et le moins que l’on puisse dire est que l’on n’a pas été déçu du voyage, découvrant notamment que vous vous définissiez comme étant « en guerre » contre :

- le « tsunami islamiste » : « [Après la Seconde Guerre mondiale], les Français, comme la plupart des Européens, ont cru que la paix allait être éternelle. Et tout d’un coup ils voient arriver ce tsunami islamiste qui déclare une guerre. Nous sommes en guerre, ils ne veulent pas l’admettre » ;

- l’« infiltration des Frères musulmans » : « On ne mesure pas le degré d’infiltration des Frères musulmans dans plusieurs sphères : l’administration pénitentiaire, le sport, parfois l’administration, l’école… Voilà où on en est aujourd’hui. Donc je ne sais pas à quel moment il y aura un électrochoc, je ne sais pas à quel moment un homme politique se lèvera, ou une femme politique, pour dire les choses haut et fort… » ;

- le « harcèlement quotidien » dans les écoles : « C’est terrifiant ce qui se passe dans les écoles. C’est terrifiant. Le harcèlement quotidien. Il y a même des écoles maternelles aujourd’hui, dans de très beaux quartiers de Paris, je ne parle pas du 9-3 [sic], je ne parle pas du 20e arrondissement, du 19e, je parle d’arrondissements très huppés où vit une bourgeoisie… et il y a des gosses qui aujourd’hui disent… des gosses, des bambins, des petits merdeux qui disent à d’autres enfants "Je vais te décapiter". Voilà ce qui se passe aujourd’hui dans nos écoles, et on n’en parle pas » ;

- la « charia » dans les quartiers : « On y est dans le tsunami. Sauf que les politiques ne veulent pas le voir… Croyez-moi, les services de renseignements sont très bien renseignés et renseignent très bien les politiques. Ils savent très bien ce qui se passe dans nos cités où, quand il y a une majorité musulmane, eh bien c’est les lois de la charia qui s’appliquent, et non plus les lois de notre république » ;

- la « courbe démographique » musulmane (vous n’avez pas osé parler de « grand remplacement » mais tout le monde a bien compris) : « Je ne dis pas que c’est fichu car il faut se battre. À ma façon je me bats en postant ce que je poste sur X. Il ne faut pas baisser les bras, c’est évident. Mais il y a une courbe, qui s’appelle la courbe démographique, et qui leur profite. Et à un moment ils seront beaucoup plus nombreux qu’ils ne le sont aujourd’hui, et ils sont déjà très très très nombreux. »

« Ils. »

Cher Paul Amar, nous ne ferons pas l’injure à nos lecteurs et lectrices de commenter longuement ce gloubiboulga raciste, complotiste (2) et islamophobe tellement caricatural qu’il semble sorti tout droit des colonnes de Valeurs actuelles. Et nous nous limiterons à signaler ici que vous ne vous contentez pas de raconter des horreurs sur les musulmans mais que, sur ce sujet comme sur tant d’autres, vous êtes un adepte des fake news, comme lorsque vous avez prétendu dans une vidéo postée sur X « [qu’]en Europe, selon un rapport de l’Agence des droits fondamentaux, basée à Vienne, 96% des Juifs ont été déjà confrontés à l’antisémitisme musulman » alors que le rapport en question, s’il décrit des phénomènes inquiétants et mentionne bien le chiffre de 96%, ne relie nullement ce dernier à un quelconque « antisémitisme musulman » mais à l’antisémitisme « tout court », c’est pas beau de mentir en général et dans certains cas c’est vraiment dégueulasse.

Car c’est sans doute cela le pire : vous n’avez en effet de cesse de relayer vos obsessions racistes à la question du nécessaire combat contre l’antisémitisme, une problématique qui vous concerne au plus haut point puisque vous êtes vous-même juif et, nous n’en doutons pas, légitimement bouleversé dans votre âme et dans votre chair par tout discours et tout acte antisémite. Le problème est que vous faites partie de ceux qui travestissent cette cause légitime en mobilisant, à l’appui d’une bataille qui se doit d’être une lutte fondamentalement antiraciste, un discours lui-même suspicieux, stigmatisant, et donc raciste, à l’encontre des musulmans, que vous présentez comme menaçants, conquérants et, last but not least, responsables de la résurgence de l’antisémitisme, quitte à donner de l’écho et à reprendre à votre compte les clichés islamophobes, la rhétorique de la guerre civile et les théories racistes-complotistes de l’extrême droite.

Jusqu’à absoudre cette dernière de ses responsabilités centrales dans le développement du racisme, y compris anti-juif, comme lorsque vous posez la question rhétorique suivante : « Vous avez qui soutient aujourd’hui le plus fermement la communauté juive de France ? C’est le Rassemblement national. C’est la fille de monsieur Le Pen. Voilà. » De toute évidence, les CV des candidats du RN lors des dernières élections législatives ne vous ont pas choqué, l’essentiel étant ailleurs puisque vous jugez utile de « note[r] simplement que le discours le plus rude contre l’islamisme aujourd’hui, peut-être pour de mauvaise raisons, mais aujourd’hui est tenu par le Rassemblement national », ce qui semble selon vous tout justifier. Dès lors, tout est permis, et l’on n’a malheureusement guère été surpris de vous entendre déclarer sur BFM-TV, lors de la mort de Jean-Marie Le Pen en janvier, que ce dernier était « un trublion de l’histoire de la Ve [République] » que l’on allait « vite oublier » (3), c’est bien noté, dans la foulée d’un passionnant échange avec l’animateur Olivier Truchot :

- Paul Amar : « Que va-t-il rester de Jean-Marie Le Pen ? Moi je vous réponds d’un mot, ou d’un nom : Jean-Luc Mélenchon. C’est Jean-Luc Mélenchon, qui hystérise le débat aujourd’hui… »

- Olivier Truchot : « Le nouveau Jean-Marie Le Pen c’est Jean-Luc Mélenchon ? »

- PA : « Mais oui ! »

Aucun doute, cela valait vraiment le coup de « sortir de votre réserve ».

Au total, cher Paul Amar, vous êtes passé en trente ans du statut de journaliste vedette du service public, ni meilleur ni pire que les autres, à celui d’éditorialiste pour chaînes d’extrême droite, félicitations, votre regain de notoriété n’étant de toute évidence dû qu’à la combinaison entre, d’une part, votre passé de figure du petit écran et, d’autre part, vos récentes prises de position en phase avec les obsessions du camp ultra-réactionnaire. Difficile dès lors de ne pas relever qu'alors que vous étiez interrogé, en 2020, à propos de « la montée en puissance du journalisme d’opinion sur les chaînes d’information », vous aviez répondu ce qui suit : « Ça n'est plus de l'info. C'est du "moi-je" revisité, c’est du "moi je pense que", c'est "mon avis compte autant que le tien"… C’est le café du commerce tout simplement, où toutes les opinions se valent... Danger ! C’est comme ça qu'on aboutit au poujadisme, c’est comme ça qu'on aboutit au populisme avec les conséquences politiques que cela peut avoir », à qui le dites-vous. On en déduira donc que, contrairement à certains de vos « collègues » probablement plus stupides que conscients des phénomènes qu’ils alimentent, vous faites partie de la catégorie particulièrement peu reluisante de ceux qui, alors qu’ils contribuent à préparer l’avènement du pire, agissent en pleine connaissance de cause.

Cordialement,

Jules Blaster

(1) Soulignons ici que, quelques secondes avant de parler de la présence du « drapeau du Hamas » dans la manifestation contre l’A69, vous vous étiez contenté d’évoquer un « drapeau palestinien ». Mais de toute évidence pour vous tout cela est la même chose, ce qui n’étonne guère de la part de celui qui affirme que Rima Hassan porte « le keffieh du Hamas autour du cou », il faudrait vous renseigner un tout petit peu cela vous éviterait de raconter des âneries.

(2) En matière de complotisme, signalons vos propos, au cours de cette même interview, concernant les « liens troubles » entre Emmanuel Macron et… le Hezbollah :

- Paul Amar : « [En 2017, Emmanuel Macron] s’était rendu au Liban et il avait été très bien reçu, et à un certain moment des hommes d’affaires libanais l’accueillent, l’encouragent, certains de ces hommes d’affaires lui font des dons, dans la légalité la plus parfaite parce qu’on peut donner 7500 euros au maximum à un candidat à la présidence de la république. Mais la rumeur dit que certains de ces hommes d’affaires, le savait-il ou pas, je ne peux pas répondre à cette question, certains de ces hommes d’affaires, la rumeur dit qu’ils étaient liés au Hezbollah. Et c’est vrai que… »

- Intervieweur : « C’est grave cette rumeur quand même… »

- PA : « Oui… »

- I : « Le Hezbollah c’est un mouvement terroriste aujourd’hui, et même avant… »

- PA : « Pour être tout à fait honnête avec vous, cette rumeur elle date de 2017, après son élection à la présidence de la république, et elle m’était parvenue. Je ne l’avais jamais mentionnée, d’ailleurs je n’étais pas en exercice, donc je n’avais aucune raison de le faire, mais c’est vrai que j’ai été surpris, je n’étais pas le seul, par ce discours qu’il a tenu juste après l’affaire des bipeurs et après la mort de Nasrallah, chef d’une entité comme vous le dites très bien terroriste, et narcoterroriste, il ne faut pas l’oublier. Et c’est vrai qu’Emmanuel Macron a paru bouleversé par la mort de Nasrallah, par la mort des membres du Hezbollah […] et que juste après ce discours où il a semblé vraiment bouleversé par la mort de ces membres du Hezbollah, il a raidi son discours en quelque sorte, il s’est lui-même raidi vis-à-vis d’Israël, vis-à-vis du peuple israélien, et c’est à ce moment-là qu’il a parlé d’embargo, qu’il le souhaitait en tout cas, sur les armes à destination d’Israël. Je note aussi qu’il avait appelé aussitôt à un cessez-le-feu comme s’il voulait, et là je vais mettre ça au conditionnel, entre guillemets, sauver en quelque sorte le Hezbollah ». Fichtre.

(3) À partir de 39’40’’ environ.

(4) À partir de 19’15’’ environ.

Cher Paul Amar - Boxing Day #44

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Jusqu'ici tout va mal - Juillet 2025

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