Chère Laurence Ferrari,

Quelle semaine !

Le mardi 27 mai, vous participiez à un gala de soutien à l’armée israélienne organisé par la « Diaspora Defense Forces » (DDF), une sympathique sauterie au cours de laquelle, entre deux déclarations d’amour à des forces armées menant une guerre génocidaire, on a bien ri en jouant à un « quiz » ironisant sur le nombre de victimes civiles à Gaza, puissent la honte, l’indignité et le déshonneur vous poursuivre à tout jamais. Votre présence lors de cette obscène soirée ne devait rien au hasard puisque vous y avez reçu, sous les applaudissements enthousiastes d’un public visiblement conquis, un « prix d’honneur des Justes du 7 octobre », aucune abjection ne nous aura donc été épargnée, récompensant « des personnalités non juives, françaises et internationales, qui ont soutenu Israël et la diaspora » depuis le 7 octobre 2023, félicitations à vous.

Organisée sous le parrainage d’Olivier Rafowicz, porte-parole de l’armée israélienne omniprésent sur les chaînes d’information françaises et connu pour avoir déclaré, entre autres, « [qu’]au Moyen-Orient les Arabes ne comprennent que la force alors nous allons utiliser le langage qu’ils comprennent », ça a le mérite d’être clair, cette soirée fut également l’occasion de décerner des « prix » à ces grands humanistes que sont :

- Céline Pina, qui avait expliqué que les enfants de Gaza tués dans des bombardements, contrairement aux enfants israéliens tués le 7 octobre 2023, « ne mourront pas en ayant l’impression que l’humanité a trahi tout ce qu’ils étaient en droit d’attendre », merci pour eux ;

- Amine El Khatmi, qui n’a cessé d’exprimer, malgré le massacre en cours à Gaza, son « soutien renouvelé, total et absolu à Israël », ce qui lui a notamment valu les hommages du très recommandable site d’extrême droite Boulevard Voltaire, bravo à lui ;

- Franz-Olivier Giesbert, qui proclamait l’an dernier « [qu’]Israël, c’est le territoire des Juifs depuis 3000 ans », vu comme ça c’est beaucoup plus simple, et on ne va donc pas se formaliser pour un banal nettoyage ethnique ;

- Arthur, qui a cru l’an dernier pertinent d’expliquer « [qu’]Israël vit avec Gaza ce que l’Ukraine vit avec la Russie », visiblement il n’y a pas que le vendredi que tout est permis ;

- Philippe Lellouche, qui s’est entre autres distingué par le passé en déclarant « Il y a un truc magnifique avec Rima Hassan, c’est qu’elle est jolie, ça fait passer plein de trucs, son cerveau est malade, mais elle est jolie », no comment ;

- Bernard-Henri Lévy, que l’on ne présente plus ;

- Etc.

Une bien belle brochette en somme, à laquelle il convient d’ajouter le zemmouriste Gilles-William Goldnadel, chroniqueur au FigaroVox et sur CNews, qui a récemment opposé « l’antisémitisme vivant, dangereux, purulent, de monsieur Mélenchon » à « l’antisémitisme éventuel » de Jean-Marie Le Pen, c’est bien noté, et qui s’est autorisé, en recevant le « prix » qui lui a été attribué le 27 mai, à parler du face-à-face entre, d’une part, « un État juif, occidental, blanc » et, d’autre part, « des terroristes basanés », tout de même. Quant à l’abject « quiz » durant lequel on a plaisanté sur les dizaines de milliers de victimes palestiniennes, il était co-animé par la « grande gueule » Barbara Lefebvre, autrice le 20 février, en direct à la télévision, d’un appel à l’épuration ethnique : « Les civils à Gaza sont autant responsables que les membres du Hamas et du Jihad islamique. Tout cela devra à un moment ou à un autre être payé, et être payé au prix fort. […] Une fois que tous les otages seront récupérés, il faut vider la bande de Gaza », décidément quelle soirée.

« Je me sens à la maison ici », avec-vous déclaré, chère Laurence Ferrari, durant le discours que vous avez prononcé lors de cet ignoble « gala », affirmant en outre ce qui suit : « Ce que j’ai fait depuis le 7 octobre […], je l’ai fait avec mon âme, avec mes convictions, mon éducation aussi. Je l’ai fait avec les valeurs que j’ai reçues en héritage de la part de mes parents et de mes grands-parents, immigrés italiens, arrivés en France dans les années 30 pour fuir le fascisme. » Soit une illustration typique du « moment orwellien » que nous traversons, au sein duquel une animatrice d’une chaîne d’extrême droite (CNews) peut se revendiquer, lors d’une soirée de soutien à un État dirigé par des suprémacistes génocidaires, de l’antifascisme, sous les ovations d’un public ayant passé sa soirée à célébrer une armée commettant des massacres de civils, à acclamer des racistes patentés et à rire de « plaisanteries » déshumanisantes, Mussolini et quelques autres en auraient rêvé.

Mais le moins que l’on puisse dire est que vous n’avez pas volé votre prix, tant vous avez su depuis le 7 octobre 2023, avec abnégation, défendre l’indéfendable et justifier l’injustifiable, entre autres :

- ne pas avoir un mot pour les morts de Gaza, à l’occasion d’un éditorial commémorant l’anniversaire du 7 octobre 2023, tout en vous insurgeant qu’Israël soit « traité de génocidaire dans une parfaite inversion des valeurs et des responsabilités » et en expliquant que « le piège du Hamas a parfaitement fonctionné » ;

- interviewer avec complaisance Benjamin Netanyahu le 23 octobre 2024, soit cinq mois après que le procureur de la CPI eut requis un mandat d’arrêt contre lui pour crime de guerre et crime contre l’humanité, le laissant dérouler ses mensonges et ses éléments de propagande, y compris ce misérable parallèle : « Que ferait la France si dans les banlieues de Paris 20 000 soldats tiraient sur Paris avec 100 000 roquettes ? » ;

- vous en prendre, le 22 mai 2025, à « tous ceux qui, par leurs paroles, leur haine aveugle d’Israël, leur antisionisme instrumentalisé à des fins politiques […], ont du sang sur les mains », ajoutant que « nous n’oublierons rien de leurs déclarations, de leurs mensonges, de leur antisémitisme débridé, [et qu’]ils sont aujourd’hui la pire caution des terroristes » ;

- déclarer, le 20 février 2025, que « cette guerre qui se déroule ici et là-bas ne concerne pas seulement Israël et les Juifs [mais qu’]elle concerne aussi notre société, notre mode de vie, notre identité, [que] c’est une guerre de civilisation, [et qu’]il convient de ne jamais l’oublier. »

Une « guerre de civilisation » : telle semble être aujourd’hui, chère Laurence Ferrari, votre conception du journalisme, vous qui êtes devenue une véritable tête de pont des médias Bolloré, en officiant non seulement plusieurs heures par jour sur CNews et Europe 1 mais aussi en commettant, chaque semaine, des articles dans le JDNews, magazine hebdomadaire associé au Journal du dimanche dont vous êtes devenue « présidente » à l’été 2024, bravo à vous, associée à l’ex-Valeurs actuelles Geoffroy Lejeune (« directeur général des rédactions du Journal du dimanche et du JDNews ») et à l’ex-Valeurs actuelles Louis de Raguenel (« directeur de la rédaction du JDNews »), un bien sémillant trio. Et nous n’oublions pas que vous avez également été, à partir de septembre 2022 et durant près de deux années, rédactrice en chef du service politique de Paris Match suite à sa prise de contrôle par Vincent Bolloré et jusqu’à son rachat par Bernard Arnault, ce qui a conduit Télérama à vous qualifier en 2024 de « pièce maîtresse des très droitiers médias Bolloré », quel talent.

Il faut dire que vous avez su faire ce qu’il fallait pour vous imposer au sein du dispositif médiatique construit par le milliardaire d’extrême droite, à commencer par l’acceptation, voire l’accompagnement enthousiaste, des reprises en main brutales qu’il a orchestrées au cours des 10 dernières années, d’iTélé (devenue CNews) au Journal du dimanche en passant par Europe 1 et, donc, Paris-Match. Vous avez su à chaque fois vous placer du bon côté du manche, à savoir celui de la direction, sans lui afficher un soutien trop affirmé pour ne pas passer pour une simple porte-flingue de l’actionnaire mais sans jamais témoigner d’une quelconque forme de solidarité à l’égard de vos collègues ou confrères malmenés et mobilisés pour défendre, face à Bolloré et sa clique, une certaine idée du journalisme et de l’indépendance des rédactions au nom de principes qui n’avaient pourtant rien de soviétique.

Lors de la mobilisation des salariés d’iTélé en octobre-novembre 2016, qui fut la plus longue lutte dans l’audiovisuel depuis mai 1968, avec pour revendications, devant la multiplication des ingérences de l’actionnaire, « l’indépendance, la rigueur de l’information, la rédaction d’une charte et la nomination d’un directeur de la rédaction [ainsi que] la mise en retrait de l’antenne de Jean-Marc Morandini », face auxquelles la direction restera inflexible, vous avez ainsi continué à travailler tout en prétendant partager les inquiétudes de vos collègues, déclarant alors : « À titre personnel, j’estime que je ne peux pas faire grève. Le droit d’informer et d’être informé sont des droits inaliénables. Mais je respecte le droit de grève, je suis solidaire de mes confrères ». Et un an plus tard, après l’écrasement du mouvement par la direction, le départ d’une centaine de journalistes sur 120 — mais pas le vôtre — et la transformation progressive de la chaîne en un canal de diffusion de l’agenda, des obsessions et des éléments de langage de l’extrême droite, vous avez courageusement déclaré que la grève avait « détruit de l’outil de travail », c’est élégant.

Cinq années plus tard, c’est cette fois à la faveur de l’offensive contre Europe 1, face à laquelle les salariés de la station s’étaient eux aussi mis en grève, dénonçant le « management autoritaire » du nouveau patron Bolloré — et de ses sbires — avec l’annonce d’une quasi fusion des programmes de CNews et d’Europe 1, que vous vous êtes installée en lieu et place de journalistes qui avaient pour leur part découvert qu’ils et elles seraient « déplacés » sans préavis. Ancienne salariée d’Europe 1, où vous aviez officié de 1987 à 1997, vous avez ainsi fait un retour tonitruant à l’antenne lors de la rentrée de septembre 2021, dans le cadre de ce que Libération a nommé « le grand remplacement des titulaires d’Europe 1 par des transfuges de la chaîne d’opinion de Bolloré [CNews] », lequel s’est soldé par le départ de 98 salariés de la radio que vous vous êtes contentée de commenter ainsi : « Tous ceux que j’ai croisés m’ont souhaité bonne chance et bienvenue. Après, une page se tourne. On a besoin de se projeter sur l’avenir. » L’omelette, les œufs, tout ça.

Après l’épisode Paris Match en 2022, où vous avez remplacé, au poste de rédactrice en chef du service politique, l’éditorialiste Bruno Jeudy, débarqué après s’être fait l’écho du mécontentement de la rédaction de l’hebdomadaire suite à la mise à la « Une » du cardinal ultra-réactionnaire Robert Sarah, c’est du côté du Journal du dimanche, passé à son tour sous la férule de Vincent Bolloré, que vous êtes allée vous installer quelques mois plus tard au poste de « présidente » créé pour l’occasion. Une arrivée qui s’est faite, toute ressemblance avec de précédents épisodes n’étant absolument pas fortuite, après une grève ultra-majoritaire des salariés et la non-parution de l’hebdomadaire durant six semaines, le départ de 95% des journalistes de la rédaction et la mise en place d’une équipe pilotée par des anciens de Valeurs actuelles, ça fait rêver. De toute évidence vous avez un goût prononcé pour les opérations table rase organisées par l’extrême droite et consistant à tout détruire, chasser les récalcitrants et s’installer à leur place : voilà qui éclaire peut-être sous un autre jour votre bruyant soutien à la politique de l’État d’Israël.

On le voit, vous êtes devenue durant ces années une bonne soldate de l’actionnaire, qualifiée de « bras armé de Bolloré » par l’universitaire François Jost, auteur d’une étude sur CNews pour Reporters sans frontières, une fidèle qui n’hésite pas à monter au front lorsqu’il s’agit de défendre les médias du groupe, comme lorsque vous vous en êtes prise sans ménagement à celui qui était alors ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, lequel avait eu l’outrecuidance de déclarer, lors d’une interview sur Radio J à l’été 2023, alors qu’il était interrogé sur la grève en cours au Journal du dimanche et sur l’empire médiatique de Vincent Bolloré, ce qui suit : « Quand vous regardez CNews, quand vous regardez ce qu’est devenue Europe 1, quand vous regardez cet ensemble-là, la conclusion s’impose. […] CNews, c’est très clairement d’extrême droite. » Sacrilège.

Votre sang n’a alors fait qu’un tour et, dès le lendemain, vous avez répondu au ministre, à l’antenne de CNews et d’Europe 1, dans un éditorial tout en nuance : « Ainsi donc un ministre de l’Éducation nationale se permet de jeter l’anathème sur deux rédactions indépendantes de 120 et 160 personnes, à savoir CNews et Europe 1 qu’il accuse toute honte bue d’être d’extrême droite. Faute d’arguments étayés, cet employé de la république dénigre, salit et insulte l’intégralité de ces 280 journalistes dont je salue une fois de plus le travail irréprochable et à qui je redis ma fierté de travailler quotidiennement à leurs côtés. Un ministre qui n’aime pas la contradiction et qui entend donner des leçons de démocratie depuis son salon cossu des quartiers chics de Paris où les écoles publiques sont surtout bonnes pour les autres mais pas pour ses enfants. N’aurait-il pas quelques dossiers plus urgents à traiter ? […] À l’heure du bilan rassurez-vous, il ne restera pas grand chose à garder, mais rassurons-nous aussi car comme le disait Michel Audiard, "les conneries c’est comme les impôts à la fin on finit toujours par les payer" ». On vous avait connue moins attentive à l’indépendance des rédactions et moins révoltée par les attaques contre vos collègues, mais nul doute qu’avec un tel sermon vous avez dû être désignée employée du mois, voire de l’année, par l’actionnaire reconnaissant.

Cet épisode ne fut ni le premier ni le dernier du genre, qu’il s’agisse d’affirmer, face à un député LFI dénonçant « [l’]agenda médiatique d’extrême droite » de CNews, qu’il « insult[ait] le travail de toute une rédaction avec des personnes équilibrées politiquement », soit un certain sens de l’équilibre, d’expliquer que « CNews n’est pas un médias d’opinion mais une chaîne qui ne s’interdit rien, reçoit tout le monde, et reflète les débats qui agitent la société », défense de rire, ou de « défendre » CNews face au « vent mauvais de la stigmatisation et de la censure » dans un éditorial au titre là encore tout en subtilité (« Nous ne nous laisserons pas impressionner »), OK Jean Moulin. Jusqu’à avoir recours à un argument pour le moins original, consistant à affirmer que les médias Bolloré ne peuvent pas être classés à l’extrême droite car… l’extrême droite n’existe pas : « Je pense que le mot "extrême droite" est la plus grande paresse intellectuelle et journalistique des dernières années. Je ne nie pas qu’il existe en France un courant nationaliste. Mais qu’on me définisse l’extrême droite ! C’est un mot-valise, une coquille vide. » Si vous le dites.

Chère Laurence Ferrari, que de chemin parcouru depuis vos années Canal+ et TF1, une chaîne sur laquelle vous avez présenté durant quatre années, de 2008 à 2012, le JT de 20h, à l’époque le plus regardé d’Europe, un poste surexposé venu couronner une carrière que d’aucuns voyaient alors comme exemplaire mais que vous avez prématurément dû quitter en raison d’une chute d’audience, de tensions internes et « d’une campagne présidentielle totalement ratée pour la Une ». C’est alors que vous avez rejoint Direct 8 (devenue D8 puis C8), visiblement décidée à prendre un virage dans votre parcours, comme vous l’expliquiez dans une interview au Parisien : « Après quatre ans de JT, j’ai fait le constat que cet exercice n’est pas celui qui me convient le mieux. J’ai envie d’une émission plus libre, moins codifiée où l’on ne me demandera pas de rentrer dans un moule. […] Je vais pouvoir exprimer une opinion, alors que le JT impose une neutralité. » Force est de constater que vous avez tenu parole en passant en moins d’une dizaine d’années de la position de présentatrice du JT à celle d’éditorialiste pour média d’extrême droite ressassant dans ses chroniques et interviews à peu près toutes les lubies réactionnaires à la mode, chapeau.

Vous avez ainsi fait montre d’une capacité d’adaptation à toute épreuve lorsque l’on sait, par exemple, que vous déclariez en mai 2011, lors du lancement d’une nouvelle émission politique sur la Une, qu’il n’était « pas question d’inviter Marine Le Pen à tout bout de champ pour faire de l’audience et, au passage, le lit du FN », ou que l’un des premiers signes de votre « liberté retrouvée » suite à votre départ de TF1 fut l’animation, en janvier 2013, d’une soirée en faveur du « mariage pour tous », c’est pas les girouettes qui tournent c’est le vent. Une rapide évolution qui a surpris, voire heurté plusieurs de vos anciens et anciennes collègue, à l’instar d’Hapsatou Sy, que vous aviez recrutée à la rentrée 2012 comme chroniqueuse dans votre toute nouvelle émission « Le Grand 8 » diffusée sur D8, et qui déclarait à votre propos en février 2024, dans Télérama, ceci : « Je la considère comme ma grande sœur. Je ne la reconnais pas. Elle a été contaminée par le virus CNews. Je préfère garder le souvenir d’une femme qui se positionnait en faveur de l’anti-FN, l’antiracisme, qui n’aurait jamais adhéré à cette ligne éditoriale. »

« Contaminée » malgré vous ? Deux de vos anciens collègues ont une explication un peu différente mais qui ne manque pas, au regard du chemin que vous avez parcouru et du sillon que vous avez su creuser, d’être convaincante : « Rester à CNews n’était pas son choix de cœur, mais elle est prête à avaler des couleuvres pour rester à l’antenne. Son seul sujet, c’est d’en être » ; « Son moteur, c’est durer. Pour cela, nécessité fait loi. Plus elle a épousé la ligne éditoriale, plus elle a été récompensée. » Un point de vue confirmé par l’un de vos confrères qui suggère quant à lui, à votre sujet et à celui de Pascal Praud, ex-journaliste sportif devenu lui aussi l’un des principaux visages de la bollorisation du paysage médiatique, ce qui suit : « Bolloré leur a assuré des postes et de la lumière, de l’audience et de l’argent, ils ont plongé. Leur façon de s’adapter à sa pensée, au passage globalement majoritaire dans le pays, c’est de l’opportunisme total. »

S’il est difficile, lorsque l’on vous écoute aujourd’hui, de faire la part des choses entre ce qui résulte d’une acclimatation opportuniste et ce qui relève de convictions profondément ancrées, le moins que l’on puisse dire est que vous excellez dans votre rôle de relai et d’amplificateur des thématiques de la droite extrême et de l’extrême droite, qu’il s’agisse de reprendre à votre compte la rhétorique de la guerre civile lors de la mort tragique du jeune Thomas Perotto à Crépol en novembre 2023, de saluer, lors du décès de Jean-Marie Le Pen, « sa clairvoyance sur les questions d’immigration lorsqu’il dénonçait le risque de submersion de la France », de dénoncer, à propos de l’Algérie, la « repentance » qui conduirait à « tendre l’autre joue sans réagir et servir de punching-ball à un régime qui ne tient quasiment que par sa détestation de la France », de prendre la défense du policier ayant tué le jeune Nahel Merzouk à Nanterre en juillet 2023 et, plus généralement, des auteurs de violences policières, d’expliquer que « les Frères musulmans travaillent dans l’ombre pour imposer la charia dans la société française », de partager chaque semaine l’antenne avec l’obsédé du « grand remplacement » Michel Onfray ou d’offrir, dans le JDD et le JDNews que vous présidez, des pages entières aux idées ultraréactionnnaires et néofascistes, liste non exhaustive.

Un rôle que vous prenez tellement à cœur qu’il vous est même arrivé, lors d’une interview de Marine Le Pen en juin 2021, de défendre des positions parfois plus dures que celles de la cheffe du RN, cette dernière se sentant obligée de nuancer vos propos en déclarant « Je globaliserais moins que vous », tout un symbole. A fortiori lorsque l’on sait que moins de 15 ans plus tôt vous teniez tête à cette même Marine Le Pen en affirmant, au cours d’un entretien dans votre émission d’actualité hebdomadaire sur Canal+, « Dimanche+ » que la « préférence nationale » était un « facteur de discrimination » et que vous souligniez les problèmes éthiques posés par les expulsions de sans-papiers. Pour reprendre une formule d’un article d’Arrêt sur images publié en juin 2021 : « Regarder les interviews de Laurence Ferrari face à Marine Le Pen entre 2007 et 2021, c’est revoir en accéléré la droitisation du débat public, la lepénisation des esprits sur les questions de délinquance et d’immigration. » On ne saurait mieux dire.

Au total, on comprend que l’accueil triomphal qui vous a été réservé le 27 mai lors d’une soirée de soutien à un État menant une guerre génocidaire ne vient pas de nulle part et qu’il témoigne avant tout de la popularité que vous avez acquise au sein d’un milieu gangréné par le colonialisme, le racisme et le mépris pour les vies de celles et ceux que l’on considère comme « différents ». Nous n’oublions pas en effet que l’organisation qui vous a récompensée, la « Diaspora Defense Forces » (DDF), a été fondée par le publicitaire Frank Tapiro, lequel s’est récemment distingué en affirmant que « l’islam n’a pas réussi à créer un mur entre l’islam modéré et l’islam radical [et] donc l’islamophobie, c’est totalement normal, c’est une émotion, c’est pas un délit ». Une « DDF » qui se revendique en outre d’une coordination avec le ministre israélien de la Diaspora, Amichai Chikli, l’un des architectes de l’abjecte conférence organisée à Jérusalem en mars dernier, concrétisation du rapprochement de plus en plus marqué entre les autorités israéliennes et les partis d’extrême droite en Europe. Alors oui pas de doute, vous étiez bien, lors de l’ignoble gala du 27 mai, « à la maison ».

Chère Laurence Ferrari, dans une interview au journal la Croix à l’été 2008, vous déclariez être une fervente catholique et affirmiez, au sujet de votre foi, ce qui suit : « C’est là, cela a toujours été là. Je n’ai jamais douté ; c’est ça, la foi. Elle est en moi, donc je n’ai pas envie de la rationaliser. Je crois, c’est tout. Vous pouvez me démontrer par A plus B que c’est faux, moi je sais. » Une maxime que vous paraissez avoir désormais généralisée au point qu’elle semble vous guider au quotidien dans votre métier, quitte à maltraiter les faits, à piétiner les principes du journalisme et à renoncer à toute forme de morale. En vous prenant pour une « Juste » et en vous revendiquant d’un héritage de lutte contre le fascisme, vous salissez la mémoire de celles et ceux qui ont réellement combattu contre les violences et les oppressions les plus barbares, lesquelles ont toujours été, nous ne l’oublions pas, accompagnées, cautionnées voire légitimées par de misérables et dangereux opportunistes tels que vous.

Cordialement,

Jules Blaster

Chère Laurence Ferrari - Boxing Day #36

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