Chère Sonia Mabrouk,

Quelle semaine !

Jeudi 18 décembre, alors que vous receviez sur le plateau de CNews/Europe 1, au côté de la talentueuse Laurence Ferrari, une ex-candidate à l’élection présidentielle, vous avez cru bon de signaler, alors que votre invitée ne le suggérait pas, qu’il était impossible d’expulser de France des délinquants nés français mais ayant des origines étrangères, et pour cause, on se demande bien en effet, puisque ce sont de Français nés en France dont on parle, dans quel pays vous auriez souhaité qu’on les envoie. Et c’est alors que Marine Le Pen, puisque c’est d’elle dont il s’agissait, a attiré votre attention sur le fait que vous étiez en train de reprendre à votre compte un dangereux amalgame participant de la stigmatisation de citoyens français au seul motif qu’ils seraient d’ascendance étrangère, très franchement on vous avoue que celle-là on ne l’avait pas vue venir.

En d’autres termes, et même si ce n’était peut-être pas votre intention première, vous êtes apparue comme celle qui se fait donner une leçon d’antiracisme par la triple candidate FN/RN à l’élection présidentielle, félicitations, laquelle a bien évidemment su saisir la balle au bond pour, sous couvert de défense de la légalité constitutionnelle et de lutte contre les « amalgames » racistes, débiter sa logorrhée habituelle contres les étrangers délinquants — et les étrangers tout court. Même du côté de Marine Le Pen on sait en effet pertinemment que prôner l’expulsion de citoyens français en raison d’origines plus ou moins lointaines serait non seulement vu comme une infamie politique mais, par ailleurs, constituerait une absurdité juridique dans la mesure où l’on ne voit pas très bien pour quel motif un quelconque pays accepterait de devenir un lieu d’accueil pour Français expulsés — et délinquants condamnés de surcroît.

S’agissait-il de tenter de montrer une faille chez Marine Le Pen en soulignant que la lutte contre la délinquance ne peut être réduite à des mesures anti-migratoires ou, à l’inverse, de la pousser « vers la droite » en signalant que le combat contre « l’insécurité » nécessiterait d’envisager des solutions aussi radicales que la déportation de citoyens français coupables d’être descendants d’étrangers ? On ne le sait pas vraiment, et pour tout vous dire : on s’en fiche. Car l’essentiel, dans cette séquence, est que vous avez réussi l’exploit, dans le même mouvement, en liant délinquance et « immigration de deuxième, troisième, quatrième génération » (sic), de non seulement donner corps et crédit à l’un des pires préjugés racistes (l’ADN de la délinquance), mais aussi d’offrir le beau rôle à une responsable politique d’extrême droite absolument ravie de passer pour la modérée/responsable de service.

On s’en fiche d’autant plus, chère Sonia Mabrouk, que cette singulière performance n’est pas un accident de parcours mais vient s’ajouter, on y reviendra, à la longue liste de vos prouesses « journalistiques » puisque, rappelons-le et gardons-le en mémoire pour la suite, c’est bel et bien le métier de journaliste que vous prétendez exercer. Intervieweuse sur CNews/Europe 1, animatrice d’émissions sur les mêmes chaînes et chroniqueuse au JDD, vous êtes devenue en quelques années l’une des têtes de pont de l’extrême droite médiatique, au point que le Figaro vous a récemment décerné, à l’occasion d’un élogieux portrait publié en octobre, le titre fort convoité « [d’]’intervieweuse star du groupe de presse de Vincent Bolloré », bravo à vous.

Une « star » à qui a récemment été confié, en outre, la direction d’une collection, sobrement baptisée « Pensée libre », aux éditions Fayard, tombées elles aussi dans le giron de votre milliardaire-employeur préféré, décidément le monde est petit, et présentée comme « [une] collection [qui] entend défendre l’esprit critique, la liberté de douter et la possibilité de puiser dans l’eau vive des idées novatrices, […] un écrin intellectuel novateur, offrant un contrepoint essentiel aux discours dominants et contribuant à revitaliser l’espace républicain », c’est beau. Les quatre premiers titres publiés annoncent d’ailleurs la couleur avec, en plus d’un livre du rabbin Elie Lemmel, victime de deux agressions antisémites en mai et juin derniers, les ouvrages de l’avocat zemmouriste et habitué de CNews Gilles-William Goldnadel, de l’animateur de l’aile gauche de l’extrême droite Éric Naulleau et, sans surprise, du spécialiste incontesté des « idées novatrices » et de la « revitalisation de l’espace républicain » : Éric Zemmour.

Les résumés des livres de ces trois derniers auteurs sont d’ailleurs une véritable invitation au voyage. Extraits :

- Goldnadel (Vol au-dessus d’un nid de cocus) : « L’homme blanc, le Français, le Juif, l’hétérosexuel, l’usager de l’audiovisuel public… Tous sont les cocus de l’époque. Des cocus souvent consentants et qui acceptent même de payer la chambre ! »

- Naulleau (La République, c’est lui !) : « Jean-Luc Mélenchon met-il la République en danger ? […] Tel un train qui perd ses freins, Mélenchon déraille. Perdant ses idéologies initiales de vue, l’homme politique devient autocentré, emmenant la gauche dans sa chute. »

- Zemmour (La messe n’est pas dite) : « Éric Zemmour reprend sa réflexion sur l’histoire et l’avenir de notre pays : il rêve d’une Europe sauvée parce qu’elle renoue avec ses racines chrétiennes. Un véritable manifeste pour un sursaut judéo-chrétien. »

À la lecture de ces riantes lignes, difficile de ne pas se rappeler de votre présentation de ladite collection : «  Face au prêt-à-penser, nous choisissons la liberté de penser. Face à la peur de déplaire, nous revendiquons le courage d’exprimer. Face au brouhaha, nous donnons voix à ceux qui interrogent le monde sans crainte du débat  ». Et de proclamer : « L’objectif est de devenir l’antichambre des idées de demain », voilà qui a le mérite d’être clair (1).

Chère Sonia Mabrouk, on l’aura compris, vous êtes une « journaliste » d’un type particulier, pour qui les médias sont d’abord et avant tout un champ dans lequel doit être menée une bataille culturelle, et c’est en cela que vous avez rapidement pu gravir les échelons de l’empire médiatique d’un Vincent Bolloré qui ne fait pas mystère de sa volonté d’en faire usage pour installer l’extrême droite au pouvoir. Et vos pratiques sont pleinement en adéquation avec cette singulière conception du métier de journaliste, qui n’a rien à voir avec la recherche de la vérité et la production d’une information fiable, sourcée et recoupée, mais tout à voir avec un combat politique que vous menez avec l’ardeur d’une militante déterminée à faire triompher ses idées ultraréactionnaires.

C’est ce qu’avait souligné dès septembre 2021, dans une analyse de la manière dont vous conduisez vos interviews, l’indispensable observatoire des médias Acrimed, en se penchant sur vos entretiens matinaux d’Europe 1, suite notamment à une interview de Sandrine Rousseau, alors candidate à la primaire d’Europe Écologie Les Verts, au cours de laquelle vous aviez eu avec elle, entre autres, le très courtois échange qui suit — après qu’elle eut affirmé avoir été confrontée, dans un récent débat, à « une extrême droite […] déchaînée, xénophobe et haineuse » :

- Sonia Mabrouk : « Madame Rousseau, si tout ce que vous dites, [c’est que] tout ce qui vous contredit est d’extrême droite ça fait beaucoup de monde en France hein ! Parce que vous dites "extrême droite" pour disqualifier toute opposition. »

- Sandrine Rousseau : « [...] Je dis extrême droite quand on a des discours xénophobes et haineux oui. Et c’est profondément l’ADN de l’extrême droite. »

- SM : « Parce que vous avez la passion des étiquettes pour tenter d’anesthésier le débat. Mais qui est l’extrême droite aujourd’hui ? Puisque si c’est à la droite de l’extrême gauche ça fait beaucoup de monde en France. »

Une attitude pas très journalistique mais un point pour vous toutefois : l’extrême droite, « ça fait beaucoup de monde en France », il paraitrait même qu’il y en aurait parmi les têtes d’affiche d’Europe 1.

En faisant une étude comparée de vos interviews de personnalités de droite et de personnalités de gauche, Acrimed soulignait en outre à quel point vous les traitiez de façon différenciée : « Le député La France insoumise Adrien Quatennens (2) a subi, durant 13 minutes, pas moins de 50 interruptions de la part de Mabrouk, rendant de fait ses démonstrations quasi impossibles et hachées. Quand Bernard Arnault est invité, il n’est "interrompu" (relancé, en réalité) que 19 fois en 11 minutes. De son côté, l’élu communiste Fabien Roussel a été coupé 36 fois en 8 minutes et trente secondes. Le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer, pour sa part, peut aisément dérouler ses éléments de langage durant 13 minutes, reléguant les interventions de l’animatrice au second plan : sur ses 27 interventions, elle coupe seulement deux fois la parole au ministre, le reste n’étant que questions-relances. » Les chiffres, parfois, c’est éloquent.

Avoir des convictions est une chose, mais qu’elles transpirent à ce point lorsque l’on se prétend journaliste-intervieweuse est pour le moins gênant. A fortiori lorsqu’il s’agit, de fait, de chercher par tous les moyens à prendre le dessus sur des invités qui n’apparaissent, dès lors, comme rien d’autre que des adversaires auxquels vous vous opposez pour des raisons idéologiques, quitte à transformer un entretien en interrogatoire, voire en pugilat duquel à peu près rien ne ressort. Ce qui n’a pas grand-chose à voir, tout un chacun l’avouera, avec une interview, dont la définition, par exemple selon le Larousse, est « [un] entretien avec quelqu’un, pour l’interroger sur ses actes, ses idées, ses projets, afin d’en publier ou diffuser le contenu », et non un débat politique dont l’objectif serait de triompher de la personne interviewée lorsque l’on considère cette dernière comme un antagoniste.

En recevant la députée européenne insoumise Manon Aubry en juin dernier, vous avez ainsi jugé utile de brandir une impression, sur une feuille A3, d’une photo de Boualem Sansal, alors emprisonné en Algérie, et de poser la question suivante : « Vous n’avez pas honte ? », en référence au fait que votre invitée s’était abstenue sur le vote d’une résolution demandant la libération de l’écrivain. Une bien étrange façon d’interroger une élue, d’autant que LFI avait publié une explication de vote que vous avez fait le choix de superbement ignorer : « Cette proposition de résolution remet en cause la poursuite de tout partenariat entre l’Algérie, la France et l’Europe. Ce faisant, elle abîme le dialogue franco-algérien, et compromet toute possibilité d’obtenir la libération de M. Sansal. […] C’est pourquoi nous avons proposé une réécriture [rejetée] visant à supprimer toutes les mesures susceptibles d’exacerber les tensions et à ne conserver que l’essentiel : la demande de libération immédiate de Boualem Sansal au nom de la liberté d’opinion et d’expression ».

Autrement dit : des arguments politiques, avec lesquels on n’est pas obligé d’être d’accord mais qui n’ont, comme toute personne honnête pourra l’admettre, rien de « honteux ». Votre petit happening n’avait, toutefois, évidemment pas pour objectif de permettre à votre invitée de s’exprimer et de défendre un point de vue ; il s’agissait plutôt de la coincer, si ce n’est de la faire taire, comme vous l’avez vous-même expliqué, quelques mois plus tard, dans les colonnes du Figaro : « Après avoir déplié la feuille, je me suis dit : cette interview est finie. » Lorsque l’on sait que cette question soigneusement préparée était la première que vous avez posée ce jour-là, on en déduit donc que votre intention était de « finir » l’entretien dès son ouverture, ce qui dénote d’une très insolite conception de l’interview politique, le principe de l’invitation d’une personnalité dans le seul but de la réduire au silence étant pour le moins incongru et fort éloigné de l’exercice du métier de journaliste.

Chère Sonia Mabrouk, ce navrant épisode avec Manon Aubry fut l’occasion, pour les fans de grand journalisme dont nous sommes, de se souvenir de celui grâce auquel vous avez fait vos débuts sur une chaîne de télévision en France, l’illustre Jean-Pierre Elkabbach, qui avait un jour accueilli l’une de ses invitées, une certaine Marine Le Pen, avec la question : « Vous n’avez pas honte ? ». Vous avez d’ailleurs vous-même reconnu, dans l’article du Figaro déjà cité, que vous vous étiez ce jour-là inspiré de celui qui vous avait, plus de quinze ans auparavant, recrutée sur Public Sénat : « En préparant cette émission, fin juin, j’ai pensé à Jean-Pierre. C’est lui qui m’est venu en tête avec cette façon qu’il avait de ne pas passer par quatre chemins », à chacun ses modèles.

C’est en effet « Jean-Pierre » qui, d’après la légende, vous aurait repéré en 2008 alors que, après avoir obtenu votre bac à Tunis, étudié dans une école de commerce à Carthage, obtenu un DEA à la Sorbonne et enseigné la gestion et le commerce international en Tunisie, vous aviez soudainement bifurqué vers le journalisme en écrivant des articles pour l’hebdomadaire Jeune Afrique. « J’ai besoin de vous sur Public Sénat », aurait alors lancé, au téléphone, celui qui était président de la chaîne, vous proposant rapidement de présenter l’un des journaux télévisés du soir puis une émission de débats, ce qui vous vaudra d’être remarquée par Europe 1, que vous rejoindrez en 2013, puis par l’alors toute jeune CNews, où vous atterrirez en 2017 quelques mois après le rachat d’iTélé par Vincent Bolloré, tout en poursuivant vos activités sur Europe 1 où vous hériterez, à la rentrée 2019, de la présentation de l’interview politique de 8h15 dans la matinale de la station, que vous n’avez pas lâchée depuis, quel talent.

Une rapide ascension donc, pour celle qui, et ce n’est pas un détail, a débuté dans le journalisme en tant que rédactrice d’articles pour un journal particulièrement complaisant avec la dictature de Ben Ali en Tunisie, l’autocrate le lui rendant bien en le soutenant financièrement. Des débuts qui n’ont rien d’étonnant lorsque l’on sait que vous êtes issue d’une famille de notables proches du régime, avec un grand-père qui fut ministre, un oncle diplomate et divers proches, dont votre père, ayant fait fortune dans le secteur privé grâce à leurs liens avec la dictature, comme quoi votre amour de la liberté d’expression est de toute évidence à géométrie variable. Vous vous étiez d’ailleurs illustrée lors de la chute de Ben Ali par votre participation, le 14 janvier 2011, à un débat dans le « Grand journal » de Canal+, au cours duquel vous aviez affirmé qu’il ne s’agissait pas de « couper les têtes » car ce « [qu’]une grande majorité de Tunisiens » attendaient du dictateur, qui avait fait la veille un discours rempli de promesses, était « des preuves [et] des actes ». On peut dire que vous avez eu le nez creux : l’émission, diffusée le soir, avait été enregistrée dans l’après-midi, et entre-temps l’annonce du départ de Ben Ali était tombée, sous la pression d’une population qui exigeait, n’en déplaise à ceux qui, comme vous, avaient bénéficié des faveurs du régime, qu’il « dégage ».

Tunisienne de naissance, vous avez acquis la nationalité française en 2010 alors que vous étiez âgée de 32 ans, et le moins que l’on puisse dire est que vous n’avez eu de cesse, depuis, de prouver votre amour de « la France », ou tout du moins d’une certaine France, ainsi que l’expliquait, visiblement admiratif, l’un de vos anciens collègues de Public Sénat : « À ses débuts, dans une forme de retenue, elle n’exprimait pas d’opinions tranchées et affichait encore moins de posture idéologique. Mais en obtenant la nationalité française, il me semble qu’elle a exprimé, c’est heureux et même remarquable, son adhésion forte aux valeurs républicaines. Je crois que l’engagement qu’elle peut manifester dans l’exercice de son métier vient de ce graal », comme c’est touchant. Un amour tel qu’il vous conduit à célébrer « les bienfaits du protectorat ou de la colonie », tout de même, jusqu’à expliquer, avec une déconcertante sincérité, à l’évocation de la colonisation de la Tunisie, ce qui suit : « C’était un protectorat… Et puis, est-ce que tout est à jeter ? C’est aussi un bel héritage qui permet à des gens comme moi de sublimer la France », si vous le dites.

Vous adorez ainsi « sublimer la France », mais pas n’importe laquelle, ainsi que vous l’avez exprimé dans ce qui constitue une sorte d’ouvrage-programme, publié en avril 2021 sous le très audacieux titre Insoumission française, avec un sous-titre on ne peut plus explicite : « Décoloniaux, écologistes radicaux, islamo-compatibles : les véritables menaces », c’est bien noté. Un livre célébré, lors de sa sortie, par le Point, qui a alors tenu à saluer « l’acte de résistance de Sonia Mabrouk », par le Figaro Magazine, qui vous a fait figurer en « Une », au côté de l’essayiste d’extrême droite Matthieu Bock-Côté, auréolés du titre de « lanceurs d’alerte », par Valeurs actuelles, qui vous a accordé à l’époque une longue interview dans laquelle vous prôniez la « reconquête existentielle », ou encore par Causeur, qui vous a affublé à cette occasion du doux qualificatif de « réac aux dents blanches », on a les soutiens que l’on mérite.

Afin de comprendre cet enthousiasme de la droite extrême et de l’extrême droite, nous proposons à nos lectrices et lecteurs quelques extraits de l’ouvrage en question, sélectionnés presque au hasard et sans commentaires :

- « Un poison coule dans les veines du pays, mélange d’auto-dénigrement et de servitude. À coups de repentance et de contrition collective, il sera bientôt interdit de faire référence à l’Histoire sans en demander l’autorisation à des ligues de vertus racialistes. »

- « Ayons foi en nos figures héroïques. Ayons le regard accroché aux cimes. Ayons l’audace de porter fièrement cet héritage. On peut être née ailleurs et défendre avec force le rêve français. Retrouvons cette liturgie. Mettons fin à nos hébétudes. Place à la reconquête existentielle. »

- « Si vous ne vous soumettez pas, si vous contrez la culture de la repentance, vous serez considéré tel un hérétique à excommunier d’un soi-disant cercle de la respectabilité. Face à la foi militante des "déconstructeurs", il faut mettre fin à nos hébétudes pour éviter l’effacement. »

- « Interdisons-nous la fatalité. Cessons de regarder l’effondrement de notre civilisation. Décadenassons notre fierté. Il nous est interdit de renoncer. L’heure de l’insoumission a sonné. »

- « Sommes-nous condamnés à une confrontation sans merci entre deux civilisations dont il ne restera que des cendres ? Comment conjurer un tel risque ? Je milite pour ma part en faveur d’un rééquilibrage de la place des religions dans le strict respect des principes de laïcité. Une chrétienté davantage affirmée permettrait de contrecarrer l’offensive d’un Islam politique conquérant. »

Sans commentaires donc, disions-nous.

Nul doute que l’agité du bocage Philippe de Villiers, l’un de vos collègues de CNews, a dû adorer, de même qu’il a dû particulièrement apprécier votre ouvrage suivant, Reconquérir le sacré, dans lequel vous écrivez entre autres ce qui suit : « En revenant à la forme ordinaire des messes [en renonçant au latin], l’Église s’éloigne du sacré. En pensant se moderniser et faire plaisir à des fidèles "laïcs", l’Église se tire une balle dans le pied. Dans ce contexte, il m’apparaît urgent de nous battre pour la survie des civilisations. Le déclin de la civilisation judéo-chrétienne présage d’une sombre période que je ne souhaite pas. Ce serait terrible, étourdissant, vertigineux. Peut-on le dire sans passer pour quelqu’un à la pensée conservatrice ou réactionnaire ? » Alors, comment vous dire…

Votre idéologie semble ainsi se situer quelque part entre le racisme civilisationnel d’Éric Zemmour et les croisades islamophobes de Philippe de Villiers, mâtinée des bigoteries de votre collègue de CNews Christine Kelly, comme lorsque vous affirmiez le plus sérieusement du monde, au micro d’Alain Finkielkraut sur France Culture, ceci : « Il n’y a pas de recette mais il y a quand même une disponibilité, une attitude à avoir, qui est celle de croire en les signes. […] Voir des symboles, voir ce qui peut habiter le ciel, c’est contribuer au chatoiement du monde. C’est croire en des choses simples, en la poésie, en l’amour, en les couleurs. C’est pour cela que je suis à l’affût de ce qui tombe de la poche de Dieu. Je ramasse ce qui tombe de la poche de Dieu, de ces poussières, de ces traces de sacré. » OK Bernadette Soubirous.

On comprend d’autant mieux, au vu de ces prises de position et déclarations, pourquoi vous évoluez à CNews, que vous décrivez, sans rire, comme une chaîne sans idéologie, telle un poisson dans l’eau, au point de refuser l’offre pourtant visiblement alléchante qui vous a été faite, avant l’été, par BFM-TV, en avançant alors le très explicite argument qui suit : « Nous allons vers des années très politiques en vue de la présidentielle, et j’occupe sur Europe 1 et CNews une place qui m’est chère », au moins comme ça c’est dit. Et nous ne doutons pas que vous serez l’une des pièces maîtresses d’un dispositif dédié à faire triompher l’extrême droite lors des prochaines échéances électorales nationales, entre autres et notamment par le rôle que vous occupez sur Europe 1 au sein d’une matinale se situant, ainsi que l’a minutieusement documenté et implacablement démontré Acrimed, « au cœur de la contre-révolution réactionnaire ».

Chère Sonia Mabrouk, cette proposition de BFM-TV, de même que les invitations que vous adresse Léa Salamé pour participer à des « débats d’éditorialistes » sur le service public, confirment à quel point vous êtes installée et insérée dans le petit monde des grands médias, ce qui en dit tout aussi long sur celui-ci que sur vous-même. Et c’est ainsi que, malgré votre CV chargé, certains journalistes continuent de vous reconnaître comme une de leurs pairs, tandis que certains responsables politiques de gauche continuent d’accepter de subir vos prétendues interviews. Vos pratiques, vos idées et vos prises de position sont pourtant bel et bien, au total, celles d’une activiste politique, ce qui n’a en soi rien d’infamant mais qui ne saurait être confondu avec le journalisme : vous êtes une militante d’extrême droite, et c’est ainsi que vous devez être considérée — et combattue.

Cordialement,

Jules Blaster

(1) Il se murmure que le député insoumis Aurélien Taché aurait lui aussi prévu de publier un ouvrage dans la collection que vous dirigez chez Fayard. Si l’information s’avérait être davantage qu’une rumeur, elle confirmerait que, malheureusement, certains n’ont toujours pas compris que servir de caution « pluralisme » à l’extrême droite est l’un des meilleurs moyens de creuser sa propre tombe.

(2) Pour mémoire, Adrien Quatennens était à l’époque coordinateur de La France insoumise et n’avait pas encore fait l’objet de poursuites et d’une condamnation pour violences conjugales

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