Kazakhstan : de la colère aux violences meurtrières

Kazakhstan : de la colère aux violences meurtrières

Depuis plus d’une semaine, des milliers de Kazakhs, motivés par des revendications liées au pouvoir d’achat et à la hausse des prix du gaz manifestent contre le gouvernement de Kassym-Jomart Tokaïev. En réponse, ce dernier n’a pas lésiné et a fait le choix de la brutalité. Coupures régulières d’électricité et d’Internet, décret de l’état d’urgence dans tout le pays, demande de renfort auprès de la Russie et surtout, autorisation pour la police de tirer sur les manifestants sans avertissement : une escalade dans la violence, inédite depuis l’indépendance du pays, transformant des mobilisations contre la vie chère en véritables émeutes meurtrières. Pour Blast, un témoin* raconte et nous envoie des vidéos exclusives.

Dès le début du mois de décembre, les difficultés économiques grandissantes auxquelles sont confrontés les Kazakhs, ont poussé un certain nombre d’entre eux à protester dans la rue. En ligne de mire, des décisions et des lois qui tout en accentuant la libéralisation de l’économie, les précarisent de plus en plus. Dans ce contexte, la hausse fulgurante du prix du gaz de pétrole liquéfié (GPL) a été la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Un mois plus tard, toujours autant excédés par des dirigeants en qui ils n’ont plus confiance, ils ont décidé de retourner dans la rue pour porter leurs revendications. La récente annonce du gel temporaire du prix du carburant n’a pas calmé leur colère.

L’armée tape désormais dans le tas des manifestants sans chercher à comprendre
Lundi 3 janvier à Almaty, tensions entre les manifestants et l'armée.

Dimanche 2 janvier, à Almaty, la plus grande ville du Kazakhstan, située dans le Sud-Ouest du pays, devenue l’épicentre des émeutes, ils n’étaient pas moins de 10 000 à dénoncer, pacifiquement, leurs conditions de vie et de travail. Mais le lendemain, la situation a brusquement pris un tournant chaotique.  « Le bâtiment de la mairie de la ville a été brûlé et l’aéroport saccagé », témoigne un français* dont la belle-famille kazakh, sous le choc de la situation, s’est réunie au sein d’un seul et même foyer à Almaty.

« L’armée tape désormais dans le tas des manifestants sans chercher à comprendre », raconte notre témoin, qui nous transmet également des images de la situation locale. « La majorité des manifestants a été prise en sandwich entre la police et les casseurs et ils ne comprennent pas ce qui leur arrive ». Les salves de tirs de l’armée, qui ont fait au moins 40 morts, retentissent dans la ville  devenue une véritable scène de guerre.

Lundi 3 janvier, manifestations à Almaty.
Lundi 3 janvier, manifestations à Almaty

Afin d’éviter la propagation de ce genre d’informations, Internet et l’électricité ont rapidement été coupés dans le pays, rendant ainsi impossibles les communications via les messageries Whatsapp, Telegram et Signal. « Nous avons des nouvelles de la famille une fois par jour. Ils appellent dès qu’Internet revient »   , continue notre témoin. Les premières informations qui sont sorties du pays provenaient par conséquent du gouvernement kazakhstanais, qui recensait jeudi 18 morts au sein de ses forces de l’ordre.

En plus du désordre et de la peur, c’est l’incompréhension qui règne aujourd’hui au Kazakhstan. L’état d’urgence a été déclaré pour tout le pays, les manifestants ont été requalifiés de terroristes et la Russie envoie ses troupes en renforts. 

Après une réaction extrêmement rapide de la part de Kassym-Jomart Tokaïev, « c’est donc au tour de Moscou d’accepter d’envoyer ses troupes au Kazakhstan sans hésiter » ajoute notre témoin. Il poursuit « un autre fait surprenant, le silence assourdissant de l’ancien Président » .

Noursoultan Nazarbaïev, au pouvoir pendant plus de 30 ans, fait l’objet de vives contestations. Malgré sa démission en 2019, son influence persistante sur le pays - à tel point qu’Astana, la capitale, a été rebaptisée Noursoultan – est mise en cause. Pourtant, pendant plusieurs jours, aucune réaction publique de sa part n’a été signalée. Il aura fallu attendre ce samedi matin pour qu’il prenne la parole. Sur Twitter, le porte-parole de Noursoultan Nazarbaïev a annoncé que l’ancien président appelait le peuple à soutenir le gouvernement, afin de surmonter cette crise.

Sur un des principaux axes d'Almaty, la police et l'armée bloquent les rues.

A ce jour, si dans le reste du pays la situation semble stabilisée, la tension demeure vive à Almaty. Le mouvement insurrectionnel doit désormais faire face à des forces de l’ordre qui les tuent sans hésiter. Le bilan risque de s’alourdir dans les prochains jours.