C'est devenu un exercice obligé, un rituel de rentrée post-vacances, comme un grand oral qui attesterait de la crédibilité des postulants au pouvoir. Avec un jury intransigeant : les grands patrons. Un verdict indulgent vaudra adoubement et courtoisie médiatiques.

Au fil des ans, l'université d'été du Medef est ainsi devenue incontournable pour les chefs des grands partis politiques. Aucun n'ose sécher le rendez-vous, pas même les insoumis, ni les écologistes ni les communistes. À l'inverse, curieusement, il n'existe aucun examen de passage devant les syndicats, qui étudieraient la soutenabilité sociale des programmes proposés. Les programmes économiques de Retailleau et Attal – on s'épargnera celui de Bardella – scrutés à la loupe à la Fête de l'Huma, ce serait pourtant amusant. Et instructif.

Apparemment, personne ne conteste la légitimité des patrons à juger un programme économique, comme s’ils défendaient l'intérêt général qui se confondrait avec l'intérêt des entreprises. Comme pour nier tout antagonisme de classe. Non seulement le pouvoir ne trouve rien à y redire, mais il encourage ce cérémonial déplaisant. Le Canard enchaîné du 3 septembre nous apprend que l'événement est financé à hauteur de 250 000 euros par l'État : « Une quinzaine de ministères, établissements publics, régions et autres organismes chargés d’une mission de service public ont, en effet, sorti le chéquier pour sponsoriser la rencontre », écrit le palmipède.

« Le football est un jeu qui se joue à onze contre onze, et à la fin, c’est l’Allemagne qui gagne », plaisantait un joueur anglais dans les années 1990. Aux universités d'été du Medef, le résultat aussi est couru d'avance : à la fin, c'est la droite qui gagne. Y compris sa composante fascisante, le RN. En cette année possiblement électorale, les bons points distribués par les patrons valent presque consignes de vote. Après les auditions, Patrick Martin, le numéro un du Medef, a égrené les noms de ses petits préférés : Gabriel Attal, Bruno Retailleau et Jordan Bardella sont « les plus conscients des périls qu'on rencontre », selon lui.

L'élève Bardella a fait des progrès, selon les jurés patronaux. Des jurés intransigeants qui ne laissent jamais passer un scrutin sans avoir passé les différents candidats à la moulinette et donné quitus ou désapprobation à chacun d'entre eux. Pris de court par la dissolution surprise l'an dernier, le Medef a organisé à la hâte des rencontres avec les différents chefs de parti, que La Chaîne parlementaire a qualifiées d’« auditions », leur conférant un statut quasi officiel dont elles sont pourtant dénuées.

Avant son grand oral, Patrick Martin avait mis la pression sur Bardella : « Le programme du RN est dangereux pour l’économie française, la croissance et l’emploi », tonnait-il, ayant encore en travers de la gorge l'opposition du parti au recul de l'âge de la retraite à 64 ans. Mais la deuxième partie de la phrase donnait quelque espoir au candidat déclaré au poste de Premier ministre de s'attirer les grâces du grand capital : « Celui du Nouveau Front populaire l’est tout autant, voire plus. » Plutôt Hitler que le Front populaire, murmurait la droite française à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Plutôt Bardella que le NFP.

Bien coiffé et tiré à quatre épingles comme à son habitude, l'égérie d’extrême droite de TikTok va jouer les bons élèves du dogme néolibéral lors de son audition, et renvoyer aux calendes grecques toutes les promesses sociales de son programme. La baisse de la TVA sur les produits de première nécessité ? On verra plus tard, ce n'est plus une priorité. L'abrogation de la réforme des retraites ? Ce sera limité à ceux qui ont travaillé avant 20 ans, qui pourront la prendre à 60, ce qui est déjà possible actuellement sous certaines conditions. Pour le reste, on verra dans un second temps, en fonction des marges budgétaires. « Économiquement, je suis raisonnable », fayote l'aspirant Premier ministre, qui préfère s'étendre sur les impôts de production trop élevés et les charges qui étouffent les entreprises.

Patrick Martin comprend vite que Bardella est parfaitement inoffensif pour les intérêts patronaux. Mieux vaut prendre langue avec lui et se le mettre dans la poche. Entre un jeune blanc-bec de 29 ans sans expérience politique ou professionnelle et un vieux briscard à la faconde tribunitienne tonnant contre le grand capital depuis plus d'un demi-siècle, comme Mélenchon, le choix est vite fait. Le patron des patrons organise un déjeuner avec le député européen. Une première.

Le fascisme, allié de toujours du patronat

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