Alors que l’on entend de plus en plus parler de santé mentale, des voix s'élèvent pour pointer le risque de la dépolitiser en en faisant un sujet individuel, en “responsabilisant” les individus pour détourner l’attention des véritables causes de leur mal-être. Dans son nouveau livre, Folie et résistance, Claire Touzard démontre notamment que l’on présente aujourd’hui des troubles tels que l'anxiété, la dépression, le burn-out comme des dysfonctionnements personnels plutôt que des symptômes d’un système qui oppresse et discrimine. Pour l’autrice, c’est bien le néolibéralisme qui plonge la société dans une angoisse insondable et détériore les corps. En clair, on nous demande d’être heureux, heureuses dans un monde qui n’est pas organisé pour qu’on le soit. Claire Touzard s’interroge “Chaque période crée et identifie ses fous et folles. Qui sont les fous et les folles d’aujourd’hui ? Qui sont les êtres subversifs qui ennuient l’ordre du monde ? Que met-on derrière la notion de folie, dans une ère où nous sommes de plus en plus aliénés par le système et gouvernés par des tyrans sanguinaires dont la santé mentale est plus que douteuse ? Est-ce que cette “santé mentale” n’est pas elle-même un outil d’oppression et de hiérarchie ?” Selon l’autrice, pour lutter contre la folie du monde, il faut revenir aux origines de la santé mentale et comprendre que la folie peut être un outil de résistance et de libération. car “Il faut sûrement être un peu fous et folles pour oser rêver mieux, pour sortir de ce schéma brutal, et imposé, qui nous semble indestructible.” Alors qui sont les vrais raisonnables d’aujourd’hui ? Pourquoi a-t-on toujours traité de fous ou de folles celles et ceux qui dérangent la norme ? Comment politiser la santé mentale et repenser le soin ? Notre réparation passera-t-elle par une révolution individuelle et collective ? Réponses dans cet entretien de Paloma Moritz avec Claire Touzard.
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Morgane Sabouret / Margaux Simon