Les révélations de Blast - la semaine dernière - sur la surexploitation des cours et sources d’eau pour produire de la neige artificielle ont fait du bruit. Coup sur coup, ces mardi et mercredi, la préfecture d’Annecy vient de discrètement publier les mises en demeure de deux exploitants de Haute-Savoie. En revanche, elle n’a toujours pas répondu à nos questions.
C’est une publication discrète qui en dit long. Le 15 juillet 2024, la préfecture de Haute-Savoie a mis en demeure les gestionnaires de deux stations de ski – celles du domaine de Praz de Lys-Sommand et du massif des Brasses. Ces deux actes ont été publiés cette semaine, avant-hier mardi et hier mercredi. Le représentant de l’État dans le département reproche aux deux exploitants le non-respect de ses arrêtés préfectoraux encadrant les prélèvements d’eau destinés à la neige de culture.
Hasard du calendrier, ces mises en demeure ont été signées respectivement dix et six mois après les inspections de l’Office français de la biodiversité (l’OFB), qui ont révélé ces irrégularités. Mais seulement quatre jours après que Blast ait sollicité la préfecture de Haute-Savoie, pour s’étonner de l’absence de sanctions contre ces stations prises la main sur le canon à neige.
Faut-il y voir un lien ? En d’autres termes, le préfet Yves Le Breton craignait-il que son inaction soit publiquement pointée, ce qui pourrait expliquer ces temporalités qui se chevauchent – et un certain empressement ? À nouveau sollicitée, la préfecture d’Annecy n’a pas répondu à nos questions, cette fois encore.
Publiée au recueil des actes administratifs ce mardi 23 juillet, la première mise en demeure cible le Syndicat intercommunal pour l’aménagement du massif des Brasses, gestionnaire de la retenue d’altitude des Brasses, à Saint-Jeoire.
Utilisé pour produire de la neige artificielle et compenser l’enneigement insuffisant, ce captage a fait l’objet le 18 décembre 2023 d’un contrôle qui s’est révélé fructueux comme Blast l’a raconté, bien qu’annoncé. Au cours de leur inspection, les policiers de l’environnement ont constaté ce jour-là pas moins de 13 non-conformités sur la retenue. Dans cette liste, on relève notamment des prélèvements réalisés hors périodes autorisées : ainsi, en novembre 2023, 23 559 m³ d’eau ont été captés illégalement dans le ruisseau des Chenevières.
Les autres irrégularités portent sur l’installation de pompes (d’un débit supérieur à celui autorisé), l’absence de système de contrôle (en continu, des volumes d’eau alimentant les canons à neige) et des trois contrôles hebdomadaires du débit réservé (un débit minimal qui garantit la (sur)vie, la circulation et la reproduction des espèces qui vivent dans ces eaux), l’impossibilité pour l’OFB d’accéder aux installations et l’inexistence de marquage de mesure de la hauteur et du niveau du cours d’eau. Chacune de ces irrégularités est détaillée dans le rapport de manquement administratif établi le 10 janvier 2024. Un document transmis au préfet et à ses services, six mois avant qu’ils ne déclenchent la mise en demeure.
La seconde mise en demeure, publiée ce mercredi 24 juillet, est adressée au domaine skiable de Praz de Lys-Sommand, à Taninges. Très exactement à la Société publique locale (SPL) de la Ramaz, chargée des prélèvements d’eau et de la production de la neige de culture.
Les installations de Praz de Lys-Sommand avaient été inspectées dès le 28 août 2023, par deux techniciens de l’environnement de l’OFB accompagnés par un agent de la direction départementale des territoires (DDT) de Haute-Savoie. Les fonctionnaires ont relevé 8 non-conformités sur la production d’or blanc artificiel de la station. Et notamment découvert une prise d’eau captant trois écoulements au lieu d’un seul, l’absence de registre (pour renseigner les prélèvements) et un captage de 35 223 m³ d’eau en avril 2023, au-delà de la limite fixée à 23 000 m³.
Toutes ces anomalies ont été détaillées dans le rapport de l’OFB du 6 septembre 2023. Selon la SPL de la Ramaz, le sur-prélèvement serait dû à une « défaillance au compteur » et ne représenterait pas la quantité d’eau réellement captée. Le 26 septembre 2023, le gestionnaire de la retenue avait assuré par courrier à la DDT s’être engagé à résoudre les irrégularités « au plus vite ». Si on donne foi à ces déclarations, il est plus que curieux que la préfecture juge nécessaire de mettre en demeure la SPL de la Ramaz dix mois plus tard.
Dans le détail, les arrêtés de mise en demeure du préfet publiés cette semaine imposent aux deux stations de corriger chaque irrégularité constatée d’ici le 1er novembre 2024. A défaut, les exploitants contrevenants se verront imposer une amende de 200 euros par jour de retard et surtout la suspension des prélèvements d’eau. Par ailleurs, pour donner un minimum de visibilité à ces décisions, les arrêtés et rapports de manquements administratifs ont été transmis aux maires des communes de Saint-Jeoire, de Taninges, à l’Office français de la biodiversité et au procureur de la République du tribunal judiciaire de Bonneville.
Crédits photo/illustration en haut de page :
Diane Lataste