« La mention de frappes possibles de missiles conventionnels contre le territoire national est inédite depuis la fin de la guerre froide. » L’Express a pu consulter une note de 16 pages regroupant les analyses de plusieurs services de renseignement français (DGSE, DGSI, DRM, DRSD), coordonnées par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).

Le document en question, destiné à des ministres, explique que « la Russie mène des actions offensives qui peuvent avoir des conséquences directes sur la vie des Français : tentatives d'incendie de centres commerciaux, attaque sur des câbles sous-marins de télécommunication, cyberattaques sur des terminaux satellitaires, [...] cyberattaques visant à faire dysfonctionner des infrastructures critiques, fragiliser l'organisation de la société ou espionner des entités françaises. » La semaine dernière, la Pologne accusait officiellement la Russie d’être responsable de l’immense incendie qui avait ravagé en mai 2024 un centre commercial de Varsovie, détruisant 1400 commerces.

L’article de L’Express révèle plusieurs cas d’opérations russes en France inconnus jusque-là. Les services français accusent par exemple Moscou d’avoir cherché à obtenir des renseignements sur des recherches liés aux lasers de forte intensité, à Polytechnique. Une technologie clef pour les militaires. Lors d’un déplacement professionnel en Russie, des ingénieurs français du secteur de la défense se faisaient dépouiller du contenu de leurs ordinateurs et téléphones professionnels. En 2023, ce sont les emails de messageries du ministère des Armées qui sont « compromis ». Entre 2021 et 2024, plusieurs autres attaques informatiques également attribuées au GRU ont brouillé les services de plusieurs ministères et hôpitaux. Et ainsi de suite.

En 2023 toujours, l’industrie militaire française est visée pour son aide à Kiev. « Une cyber attaque, très probablement menée par le GRU [NDLR : le renseignement militaire russe], a été découverte en 2023 contre une entreprise clef de la défense française, conduisant à une exfiltration massive de courriels de la société afin d’obtenir des informations sur le soutien militaire à l’Ukraine. » Il s’agirait de KNDS, fabricant des canons Caesar, précieux pour les artilleurs ukrainiens.

Les auteurs de la note s’inquiètent également de menace sur les réseaux énergétiques français : « En 2024, le GRU a cherché à compromettre des équipements industriels d’entités françaises du secteur hydro-électrique. »

« C’est le livre noir de Poutine en France », résume un dirigeant de renseignement français interrogé par L’Express. Au-delà de la régularité de ces attaques contre la France, le document témoigne de la naïveté encore largement présente dans les milieux industriels, politiques, ainsi que dans le grand public, face à ces menaces.

Les services secrets français noyés par les attaques russes

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