Procès Sarkozy-Libye : demandez le programme

Procès Sarkozy-Libye : demandez le programme

Ouvert depuis le 6 janvier, le procès de Nicolas Sarkozy et consorts, soupçonnés d’avoir bénéficié des largesses financières de la Libye de feu Mouammar Kadhafi, est programmé pour s’étirer jusqu’au 10 avril prochain. Près de trois mois au tribunal judiciaire de Paris, à raison de trois sessions hebdomadaires - sauf pendant les vacances de février - et d’une dernière semaine exceptionnelle de quatre jours. Les journées d’audience s’annoncent denses pour éclairer une saga politico-financière complexe, sur laquelle la 32ème chambre correctionnelle ne compte faire aucune impasse, selon le calendrier prévisionnel consulté par Blast.

Après une première semaine consacrée aux déclarations liminaires des prévenus et à divers points de procédure, les juges vont rentrer désormais dans le vif du sujet et des débats. Jusqu’au 27 janvier, ils vont se consacrer à la lourde hypothèse du financement par la Libye de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. Et, l’un ne va pas sans l’autre, à ses éventuelles contreparties, juridiques et diplomatiques. Comprendre : l’accueil en grande pompe de Kadhafi à Paris en décembre 2007, une visite lunaire de cinq jours qui signait la fin de la mise au ban du dictateur parrain du terrorisme international. L’occasion, au-delà d’épisodes grandguignolesques - le Guide en visite dans les musées, le colonel, sa chapka et ses amazones, sa tente bédouine plantée dans les jardins de l’hôtel de Marigny... -, de négociations en coulisses autour du sort de son fidèle beau-frère Abdallah Senoussi, patron des services de renseignements à l’époque et néanmoins condamné en France à perpétuité pour l’attentat contre le vol DC-10 d’UTA.

Une campagne très liquide, un duo affairé

Vu le(s) sujet(s), gageons que la tonalité des échanges sera moins urbaine et la présidente Nathalie Gavarino moins timorée, elle qui s’est montrée très patiente pour son prévenu-vedette qu’elle a laissé ce lundi 13 janvier dérouler indéfiniment le récit de sa vie, tout à sa gloire.

Le tribunal ainsi projeté au cœur des secrets de ce dossier, s’ouvrira ensuite une longue séquence, jusqu’au 6 février, où il sera question de l’organisation de la campagne (victorieuse) d’un Sarkozy alors chef de l’UMP, des flux financiers suspects qui l’ont alimentée et des contreparties économiques accordées en parallèle, comme les contrats passés par Total ou Amesys en Libye.

A compter du 10 février et jusqu’au 13 mars, l’ex-chef de l’État passera ensuite au second plan pour laisser la lumière à son ancien chambellan Claude Guéant, longtemps son directeur de cabinet avant de devenir secrétaire général de l’Élysée, puis ministre de l’Intérieur, et à l’homme d’affaires « et intermédiaire » Alexandre Djouhri. Seront dépiautés l’étrange et fort lucrative vente de deux tableaux, la cession d’une villa à Mougins (Alpes-Maritimes), qui aurait pu servir à blanchir la provenance des fonds libyens, et l’achat par Afriqiyah, la compagnie aérienne de Kadhafi, de plusieurs Airbus.

Extrait de l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel des juges Buresi et Tilmont : SARKOZY DE NAGY-BOCSA Nicolas, un homme renvoyé.
Document Blast

La morale de lHistoire

Au-delà du cas personnel du 6ème président de la Vème République, dont l’éventuelle condamnation dans un tel dossier acterait la chute définitive, ce procès-évènement est aussi l’occasion de poser crument des questions essentielles sur la complicité et la responsabilité d’acteurs économiques incontournables de ces marchés internationaux (intermédiaires, comme entreprises) dans la mise en place de la corruption - ce que ne manqueront pas de mettre en avant les ONG parties civiles, comme Anticor, Transparency ou Sherpa. Mais également, contrechamp de ces pratiques illicites et ces flux financiers souterrains, de faire entendre la voix des victimes de ces mécaniques délétères, qui se font sur le dos de la démocratie, des citoyens et privent les populations civiles de ressources publiques indispensables, détournées au profit d’intérêts particuliers, privés et politiques.

Une leçon pour l’Histoire.

Crédits photo/illustration en haut de page :
Blast, le souffle de l’info